Saint-Antoine de New Bedford, Mass, Part 1

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Publication date: 1913
Publisher: Montreal, Que. : Imprimerie du Messager
Number of Pages: 232


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Saint-Antoine de New Bedford, Mass


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NOTICE HISTORIQUE


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SAINT-ANTOINE


DE


NEW BEDFORD, MASS.


MONTRÉAL IMPRIMERIE DU MESSAGER 1913


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SAINT-ANTOINE de New Bedford, Mass.


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L'ÉGLISE SAINT-ANTOINE


NOTICE HISTORIQUE


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SAINT-ANTOINE


DE


NEW BEDFORD, MASS.


MONTRÉAL IMPRIMERIE DU MESSAGER 1913


Allen County Public Library 900 Webster Street PO Box 2270 Fort Wayne, IN 46801-2270


Au Lecteur


Pendant que la foi vacille ou s'éteint chez les vieilles nations d'Europe, autrefois si chrétien- nes, elle se rallume dans notre pays et continue d'éclairer la race française et les autres groupes catholiques du nord de l'Amérique.


La paroisse franco-américaine dont nous pu- blions la notice historique, est un bel exemple de cette conservation de la foi et de ses œuvres parmi nous.


Saint-Antoine de New Bedford n'a qu'une bien courte existence: dix-sept années à peine. Déjà, grâce à la puissance de son patron titu- laire, grâce aussi à la foi inébranlable de ses ouailles, cette paroisse, exclusivement française, a pris rang parmi les plus belles et les plus flo- rissantes de ce pays.


Nous offrons en hommage au curé de Saint- Antoine et à ses paroissiens le récit des évène- ments qui accompagnèrent la formation, ou qui marquèrent le développement de cette cellule


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religieuse franco-américaine. Ils y trouveront des souvenirs dont ils doivent être fiers, le compte-rendu de fêtes dont ils ont été les géné- reux organisateurs. Nous avons cru qu'il était bon d'en garder la mémoire et d'en proposer les œuvres comme modèles à tous ceux qui dai- gneront lire cette courte notice.


New Bedford


Cette ville est située au sud-est du Massa- chusetts, au bord de la mer, à l'embouchure de la rivière Acushnet. C'est un port de mer d'une importance considérable. Sa population était de 96,000 âmes lors du dernier recensement. Elle s'élève aujourd'hui à plus de 105,000. (en 1910)


Bartholomew Gosnold y aborda en 1602. Il y fut reçu cordialement par un groupe d'Indiens, fit avec eux la traite des pelleteries et retourna en Angleterre, son navire chargé de fourrures.


Vingt ans après l'arrivée du Mayflower, à Plymouth, la petite colonie puritaine décida de faire l'acquisition du territoire où s'élève actuel- lement New Bedford. Elle n'y réussit que plus tard, en 1653.


Wamsamquin, un chef indien, et son fils Wamsutta reçurent «trente verges de drap, «huit peaux d'élan, quinze haches, quinzeponeys, «quinze culottes, deux bouilloires, deux man- «teaux, huit paires de bas ... » et donnèrent en


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échange, au nom de leur tribut, les territoires qui renferment maintenant New Bedford, Fair- haven, Acushnet, Dartmouth et Westport.


New Bedford, tout d'abord compris dans le «town » de Dartmouth, eut beaucoup à souf- frir durant la guerre qui sévit au commence- ment du dix-huitième siècle, entre les colons an- glais et les Indiens.


Cette guerre, dite « King Philipp's War », ne laissa que des ruines là où s'élevaient les pre- mières habitations de la ville.


Ce n'est qu'en 1760, qu'un nombre considé- rable d'ouvriers vinrent s'y établir et que com- mença le mouvement industriel.


Cinq ans après, les premiers baleiniers sor- taient du port et inauguraient ces longs voyages dans les mers du Nord, qui devaient plus tard devenir la source de la richesse et de la prospé- rité de la ville.


Vers cette époque, la partie de Dartmouth, où est maintenant bâtie New Bedford, reçut un nom nouveau. On l'appela d'abord Acushnet, puis Bedford,-en l'honneur du duc de Bedford.


Une ère de prospérité ne tarda pas à s'ouvrir


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pour la ville naissante; la population s'accrut et la flotte des baleiniers multiplia ses vaisseaux. Malheureusement la guerre de l'Indépendance faillit tout ruiner.


En 1778, quatre mille hommes, ayant à leur tête le major-général anglais Grey, débarquèrent sur les côtes de Dartmouth, devenues le repaire de nombreux corsaires américains. De sanglan- tes batailles eurent lieu. Les soldats anglais y détruisirent des propriétés pour une valeur de 96,980 livres et mirent à mort plusieurs citoyens.


Après la guerre, la ville se releva rapidement de ses ruines. En 1787, elle fut détachée de la municipalité de Dartmouth et s'appela New Bedford. Elle n'a cessé, depuis cette époque, de s'accroître et de prospérer.


Sa population était de 3,313 en 1790; elle s'élevait à 12,087 en 1840, à 33,393 en 1885, à 80,000 en 1900, et à 105,800 en 1912.


La valeur des propriétés qui était, en 1860, de $9,157,200 et de $18,023,700 en 1888, se mon- tait, le 1er avril 1911, à $108,838,206.


New Bedford jouit actuellement d'une pros- périté dont on ne trouve guère d'exemples,


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même aux États-unis. Elle occupera bientôt le premier rang parmi les villes américaines, où fleurit l'industrie du coton, de la soie et des cré- pons.


Dans la seule année 1909, la valeur des éta- blissements industriels, s'est accrue de $10,- 000,000.


HVIV VVV


UNION TIALL


NORTH


ENDROIT OÙ PENDANT LES SIX PREMIERS MOIS EURENT LIEU LES OFFICES RELIGIEUX


Fondation de la paroisse Saint-Antoine


La paroisse Saint-Antoine de New Bed- ford fut canoniquement érigée en septembre 1895. L'abbé Hormisdas Deslauriers en prit la direction le premier dimanche d'octobre suivant. Il arrivait du Précieux-Sang, de Woonsocket, où il était vicaire depuis sept ans.


Les trois cents familles qui composaient la nouvelle paroisse, avaient jusque-là appartenu au Sacré-Cœur de New Bedford.


Le North End, comme on désigne la partie de la ville où est situé Saint-Antoine, n'était pas alors le quartier populeux, commercial, bruyant d'activité, qu'on admire aujourd'hui. C'était une succession de rues sans habitations, à peine tracées, séparées les unes des autres par des terrains vacants, où les broussailles poussaient en pleine liberté. Seulement, on voyait déjà s'allonger, chaque année, même chaque mois, les murs des manufactures autour desquelles viendraient bientôt se grouper deux mille fa- milles canadiennes-françaises.


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Le nouveau curé, se mit immédiatement à l'œuvre avec l'énergie merveilleuse qui distingue son caractère.


«Sans perdre de temps, nous nous sommes mis à l'œuvre, » disait-il plus tard, «ayant loué au prix de vingt-cinq dollars par mois une petite salle, espèce de masure, ou la pluie pénétrait par vingt endroits. Le révérend P. Gaboury, oncle de monsieur le Curé du Sacré-Cœur, chantait la première grand'messe, le 5 octobre 1895. Quel- ques semaines plus tard, après des difficultés de toutes sortes, nous achetions la moitié du terrain que nous occupons aujourd'hui. C'était un joli bocage, entouré de rues encore à l'état primi- tif. Nos voisins étaient éloignés, les Canadiens étaient clair-semés. Le gros de la population franco-américaine était alors aux environs de la rue Coggeshall. »


La nouvelle paroisse reçut le nom du grand thaumaturge de Padoue: saint Antoine.


Le choix du titulaire était vraiment heureux. A cette époque, il venait tout juste de se pro- duire un réveil de la dévotion envers ce grand saint. Le monde étonné assistait au spectacle


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du prodigieux développement de «l'œuvre du pain, » qui avait eu une origine bien modeste dans l'arrière boutique d'un artisan de Marseille, quelques années auparavant.


L'abbé Deslauriers, qui avait déjà sans doute mis à l'épreuve la puissance miséricordieuse de l'illustre enfant de saint François, se dit qu'il ne saurait placer en meilleures mains les desti- nées de la nouvelle paroisse. L'expérience mon- tra bientôt qu'il avait raison.


Rien de plus important pour les nôtres, aux États-Unis, que la fondation d'une paroisse. Sans paroisse nationale, le canadien, qui a grandi dans son pays à l'ombre du clocher, ne s'y recon- naît plus. Il est désorienté. Si la réflexion, les ex- ercices de piété, la prédication française, les lu- mières d'en haut, ne viennent lui indiquer le sen- tier du devoir, il s'égare vite au milieu de ces po- pulations américaines en grande partie matéria- listes ou indifférentes. Sa foi languissante, rani- mée à de trop rares intervalles par la prière et les sacrements, s'endort ou s'éteint tout à fait.


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Il n'est pas de moyen plus efficace de com- battre l'irréligion et l'indifférence que de grou- per les fidèles autour de l'église, par l'organi- sation paroissiale. Cela est vrai, sans doute, dans tous les pays; mais plus encore aux États- Unis. Ce sont avant tout leurs paroisses qui ont conservé au catholicisme les Franco-américains.


Saint-Antoine comprenait, à son origine, trois cents familles ;- une population totale d'à peu près 1,500 âmes.


PRESBYTÈRE, CHAPELLE, COUVENT ET TERRAIN OÙ L'ÉGLISE EST BÂTIE


=


=


La Chapelle, l'École et le Presbytère


La paroisse catholique américaine ne peut aller sans l'école. L'une est à l'autre ce que la filature est aux champs où l'on cultive le coton, ce que l'aciérie est à la mine d'où l'on tire le mi- nerai. Fermez l'école paroissiale, il faudra, tôt ou tard, fermer l'église.


L'abbé Deslauriers comprit, dès le début, qu'il lui fallait simultanément pourvoir au culte divin et à l'éducation chrétienne de l'enfance. C'est pourquoi il fit construire, rue Nye, non loin de l'avenue Acushnet, un édifice à deux étages de 116 pieds par 60, pouvant servir à la fois de chapelle et d'école.


La bénédiction du nouvel édifice eut lieu le 8 mars 1896. Le saint sacrifice de la messe y fut célébré par le R. M. Charles Dauray, de Woon- socket, assisté du R. M. Jules Graton, comme diacre, et du R. M. Tremblay, comme sous-dia- cre. Mgr Harkins était présent à la cérémonie, et il bénit lui-même la chapelle. Le sermon de


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circonstance fut prononcé par M. Brosseau, vicaire de la paroisse. Le même soir, l'orgue- don de Mme Flynn,-fut inauguré par un grand concert, sous la direction de M. Beauchemin.


Cette cérémonie de la bénédiction de leur première église fut, pour les paroissiens de Saint- Antoine, une époque mémorable. Non pas que le nouveau temple fut un monument d'architec- ture; mais c'était beaucoup, pour cette bonne population, d'avoir sous le même toit une vaste salle pour le culte sacré, et six grandes classes où les enfants allaient bientôt apprendre, avec la langue française, les notions du catéchisme.


Il faisait bon, disent les journaux de l'époque, voir ces braves gens, au visage épanoui par la joie, manifester leur contentement, tantôt par leur piété à l'église, tantôt par leurs applaudisse- ments aux discours qu'ils étaient venus enten- dre, et surtout par leur générosité.


Ils avaient droit, certes, d'être fiers! et leur curé, d'être fier d'eux ! Dès le début, ils fermaient la bouche à tous les sceptiques qui ne voulaient pas croire au succès de la fondation nouvelle et ne se gênaient pas pour le dire.


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Treize mille dollars,-un peu plus de $40 par famille,-avaient déjà été versés par ces pieux prodigues dans la caisse paroissiale. Il n'en fallait pas davantage pour prouver la viabilité de cette œuvre nationale et catholique.


De 1896 à 1902


Les premières années de la paroisse virent s'accroître rapidement la population canadienne dans la partie nord de New Bedford. Peu d'é- vènements importants durant cette période de formation. Il s'agissait surtout d'organiser les éléments épars de la nouvelle paroisse, de donner à ce groupe franco-américain une forte impul- sion, en disciplinant ses énergies et en concen- trant les volontés vers un double but : le progrès matériel et le progrès religieux.


L'abbé Deslauriers, sous la protection du grand thaumaturge, patron de sa paroisse, ne faillit pas à la tâche.


Toujours sur la brèche, avec une activité in- lassable, il ne cessa de stimuler le zèle de ses gé- néreux paroissiens.


Le cahier où sont consignés les recettes et les dépenses des huit premières années de la paroisse Saint-Antoine, atteste un travail et une persé- vérance étonnants. Les collectes, les soirées


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récréatives, les concours se succèdent avec une parfaite régularité, à des intervalles rapprochés.


Les recettes annuelles, après avoir subi une dépression pendant la grève de 1898, montent graduellement comme on peut s'en convaincre par le tableau suivant :


Recettes de 1896


$21,200.57


"


1897


16,772.82


"


1898


12,309 .44


"


1899


18,457.79


1900


21,239.28


1901


22,017.45


" 1902


33,136.47


La dernière année surtout prouve que la jeune congrégation de Saint-Antoine est devenue une grande paroisse. La population qui n'était en 1895 que de 1,500 âmes s'est accrue consi- dérablement pendant les huit dernières années, et en 1902 elle atteignait le chiffre de 5,000.


Le presbytère actuel fut construit en 1895, à l'angle de la rue Nye et de l'avenue Acushnet. C'est une maison en briques de belle apparence, spacieuse, bien aménagée, mais sans luxe.


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Un évènement, qui eut un certain retentisse- ment et nous fait saisir sur le vif le caractère un peu original des catholiques américains, vint marquer la fin de l'année 1902.


Un concours fut organisé, sous le haut patro- nage de Mgr Harkins, entre trois paroisses de New Bedford : Saint-Laurent, l'une des plus riches paroisses irlandaises du diocèse; Notre- Dame-du-Mont-Carmel, paroisse portugaise; et la paroisse française de Saint-Antoine.


Un riche calice, donné par Sa Grandeur l'é- vêque de Providence, devait être le prix de cette lutte d'un nouveau genre; la paroisse, qui aurait recueilli la plus grosse somme de souscriptions devait le recevoir.


Pendant trois semaines ce fut une bataille de générosité dans toute la ville de New Bed- ford. Les belligérants ne ménagèrent ni leurs coups, ni leurs courses, ni leurs dollars. Les trois grandes nationalités catholiques de la cité, sti- mulées par leurs curés, et aussi parl'antagonisme naturel des races, remuèrent ciel et terre pour grossir leurs fonds.


Au dernier moment, les trois congrégations,


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réunies dans leur église respective, furent invitées à faire un suprême effort. Pendant une demi-heure les Irlandais, les Portugais, les Ca- nadiens firent pleuvoir les pièces de monnaie et les billets de banque dans les escarcelles des concurrents. Puis vint le moment solennel : le compte-rendu des solliciteurs, l'addition des sommes de l'argent devant les représentants spéciaux désignés pour chaque paroisse, la com- paraison, les surprises, les déceptions, puis les mes- sages annonçant aux trois curés le résultat final.


Les paroissiens de Saint-Antoine saluèrent par des applaudissements frénétiques le compte- rendu suivant :


Somme recueillie à N .- D .- du-M .- C. .. $3,088.95 " " Saint-Laurent 4,615.70


" " Saint-Antoine 5,023.22


L'Église Saint-Antoine


Au commencement de 1902, huit ans après sa fondation, la paroisse Saint-Antoine possé- dait des propriétés évaluées à $150,000 et avait en caisse la jolie somme de $11,000. La popu- lation s'était accrue considérablement, les six classes de la chapelle-école étaient devenues trop étroites, ainsi que la chapelle elle-même. Il fallut songer sérieusement à la construction d'une église.


M. Joseph Venne, architecte de Montréal, fut chargé de préparer les plans du temple projeté. Quelques mois plus tard, la construction en était confiée à M. Houlihan, entrepreneur de Provi- dence. D'après les termes du contrat, l'église devait être terminée en 1906 et devait coûter $166,000.


«Le magnifique temple, » dit un journal de l'époque, «dont les fondations sont déjà creusées «et qui va s'élever vers le ciel, le printemps pro- «chain, aura une longueur de 241 pieds. La


LES DÉBRIS, APRÈS L'ACCIDENT DU 5 OCTOBRE 1904


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«clocher s'élèvera à une hauteur de 256 pieds et les clochetons qui l'encadreront, monteront à «130 pieds au-dessus du sol. L'église sera cons- «truite en pierre rouge de Springfield. » Les travaux commencèrent au printemps de l'année 1903, et tout alla bien au début. Les murs s'élevèrent rapidement. Au mois de juin 1904, une imposante cérémonie, présidée par Mgr Stang, premier évêque de Fall River, avait lieu, en présence d'une foule immense. Sa Grandeur bénit la pierre angulaire de la nouvelle église. Près de trois mille fidèles prirent part à cette mémorable démonstration.


Après les cérémonies liturgiques, le P. Per- rotin, de l'ordre de saint Dominique, prononça un superbe discours, dont nous citons les paroles suivantes :


«Eh quoi, vous me demandez si l'Église ca- tholique est indestructible ? Mais nous en avons la preuve évidente. Que sommes-nous mes frères ? Les pierres vivantes de l'Église de Jésus- Christ. L'Église étant la société des âmes unies à Jésus-christ par la grâce, celui qui est privée de cet élément divin est une pierre séparée de


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l'édifice. Celui qui le possède fait partie de ce monument éternel. Essayez donc, ô impies, d'ébranler ce monument ! Fermez les sanctuaires, renversez les basiliques et les cathédrales, sup- primez l'enseignement religieux, décrochez les crucifix des prétoires, rappelez du Vatican vos ambassadeurs, préparez à grands cris les funé- railles de l'Église ; quant à elle, elle se rit de vos vains efforts! Les pierres vivantes qui la com- posent sont inséparables, elles ont été cimentées avec le sang du Christ. Et quand même vous réussiriez à les séparer pour un moment, les pierres de cet édifice spirituel, un jour, elles se redresseront, elles se relèveront ces pierres fou- lées aux pieds, elles se réveilleront ces pierres que vous croyez avoir pulvérisées, elles se re- joindront ces pierres exilées, elles se retrouveront pour former là-haut l'Église qui ne meurt pas. »


Cependant l'heure des épreuves allait son- ner. Aux entreprises humaines, eûssent-elles un but essentiellement divin, il faut le bap- tême de la douleur. Ce baptême, le curé, les pa- roissiens et le temple lui-même, l'ont reçu. Le triomphe d'aujourd'hui est plus complet, pré-


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cisément parce que la douleur a été plus grande.


Pendant que s'élevaient les murs et les piliers, on craignait, chaque jour davantage, que la soli- dité de la construction ne fut suffisante. Mais la réputation dont jouissait l'entrepreneur Hou- lihan dissipait les doutes, calmait les inquiétudes.


Le 5 octobre 1904,-jour de deuil pour la paroisse Saint-Antoine,-une partie des murs s'écroula, tuant deux ouvriers et en blessant cinq autres.


Le curé de Saint-Antoine et ses paroissiens, si heureux jusque-là, commencèrent à goûter, ce jour-là, les amertumes de l'adversité.


Rien, dit-on, ne réussit comme le succès. On peut également dire: personne n'est blâmé, mal- traité, comme les victimes, même les plus héroï- ques, de l'insuccès. Devant le public malveillant elles ont toujours tort.


Après ce désastre, la condition de la paroisse et du curé étaient des plus précaires. Quatre-vingt seize mille six cent trente-huit piastres avaient été payées à l'entrepreneur Houlihan, et voici qu'il refusait de continuer les travaux. Il avait déjà touché tout l'argent qui lui était dû.


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Là où quelques jours auparavant la nouvelle église se dressait si fièrement, attendant sa toi- ture et ses clochers, il n'y avait plus que des ruines.


Il fallait déblayer, démolir, affermir les fon- dations, dépenser des sommes énormes, avec, en plus, la perspective d'un procès ruineux. Il faut le dire, à l'honneur des paroissiens de Saint- Antoine, nul ne faiblit un seul instant. Les of- frandes généreuses continuèrent à affluer, et quand, sur des conseils plus sincères que sages, on proposa de modifier les plans, et de reprendre la construction sur un pied plus modeste, la paroisse fut unanime à seconder son curé qui voulait, sans devier d'une ligne, mener à terme l'entreprise commencée.


Au printemps de 1905, les travaux furent repris sous l'habile direction de M. de LaDu- rentaye, et sous la surveillance de l'architecte Destremps. Tout l'extérieur fut terminé sans autre contrat avec aucun entrepreneur :- à la journée.


Pendant de longues semaines, il fallut soli- difier, puis reconstruire. La science et l'énergie


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purent enfin réparer les erreurs commises. La «clairevoie », appuyée sur d'énormes poutres d'acier, lesquelles reposaient sur des pilliers de même métal, reprit sa place; la toiture d'ardoises vint recouvrir l'édifice et les clochers commen- cèrent à émerger du sol.


Au premier de l'an 1906, une grande croix de bronze doré-19 pieds de hauteur,-ayant à sa base le nom de presque tous les paroissiens de Saint-Antoine, s'éleva triomphalement dans les airs et fut posée au sommet du grand clocher.


L'extérieur de l'église était donc à peu près terminé. Il n'y avait plus qu'à se reposer, refaire un peu les finances, et surtout se défendre contre les poursuites judiciaires intentées par l'entre- preneur Houlihan.


Le Procès Houlihan


C'est un devoir, croyons-nous, d'intercaler dans cette courte notice, l'histoire d'un procès qui, par sa durée et son importance, a tenu en vedette, pendant des années, la paroisse Saint- Antoine.


D'ordinaire, un entrepreneur ne réclame la totalité de sa créance pour un édifice qu'il s'est engagé à construire, que si, tout d'abord, l'édifice en construction se tient debout. Il semble aussi conforme à l'usage et au bon sens, même pour un constructeur, ou un entrepreneur, de ne pas exiger le prix d'un travail qu'il refuse d'accomplir. Ce n'est pas ainsi que l'entendait M. Houlihan. Un an après la catastrophe, il poursuivit la paroisse de Saint-Antoine, devant la Cour supérieure de Boston, en recouvrement d'une somme de $75,000. Le contrat, disait-il, lui garantissait une somme de $166,000, pour l'entreprise entière; il n'avait reçu qu'une partie de cette somme pour son ouvrage; il exigeait


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le reste pour l'ouvrage qu'il n'avait pas fait. La paroisse se mit en frais de se défendre.


Tout d'abord, pour bien comprendre la ques- tion, il faut dire que d'après le plan original de Venne, les trois clochers et la claire-voie de l'é- glise devaient être en bois et couverts en ar- doises. Avant de signer le contrat, M. Houlihan dit au curé Deslauriers: «J'aimerais autant «faire ces clochers en pierre sans charger un sou «d'extra. Lebois coûte si cher et la pierre si bon «marché, que je ne fais aucune différence entre «les deux. » Pas besoin de dire que le Curé préfère la pierre.


Quelques semaines après la signature du contrat, Houlihan et plusieurs autres dirent à M. le Curé :- «Vous bâtissez une église avec un «clocher en pierre de 256 pieds de hauteur, deux «clochetons tout en pierre, l'arrière de l'abside «aussi toute en pierre, et vous allez laisser cons- « truire la claire-voie en bois et en ardoise ? C'est «un non-sens ;- complétez donc le monument «en faisant une claire-voie en pierre! »


-«Je ne demande pas mieux, répondit le «curé; mais pour tout au monde, je ne voudrais


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« pas mettre la paroisse dans l'embarras. Tout de même, que M. Venne fasse un plan pour ce «changement et que M. Houlihan me soumette «un prix. »


Quelques semaines plus tard, M. Houlihan s'offrait à exécuter les changements projetés pour $36,000. - «Il m'est impossible, dit le Curé, de contracter cette nouvelle obligation.


-Je puis faire cette même claire-voie en « pierre et en acier, reprit Houlihan, mais en «faisant quelques modifications, pour un prix «bien moins élevé. » -«Entendez-vous avec mon architecte, répondit le Curé ».


Quelques semaines s'étaient écoulées, quand Houlihan se présenta chez M. Deslauriers, avec une soumission conçue dans ces termes: «Je «m'engage à faire la claire-voie en pierre et en «acier d'après les plans et les spécifications de «Jos. Venne de Montréal, pour la somme de «$28,000. »


M. le Curé accepta ces conditions et signa le contrat.


Le jour de l'accident, lorsque cette claire- voie s'effondre, le Curé, désolé, atterré, se de-


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mandait comment il se faisait que M. Venne eût fait pareil plan et pareilles spécifications ? Il avait entière confiance en lui, et l'on va'voir qu'il n'avait pas tort. Appelé par dépêche télé- graphique, Venne arriva aussitôt. - Jamais, dit-il, au Curé je n'ai fait d'autre plan pour cette claire-voie, que celui pour lequel M. Houlihan avait demandé $36,000. Le second plan avait été fait par l'entrepreneur lui-même, sans spéci- fications de M. Venne.


N'est-il pas évident que M. Deslauriers avait été induit en erreur ?


Quoiqu'il en soit, après l'accident, Mgr Stang et son grand-vicaire, le P. Smythe, choisirent eux- mêmes quatre architectes pour faire une enquête sur la cause de l'accident. Ces architectes de New York, Brooklyn, Boston, Fall River disaient en résumé, dans leur rapport,-qui a coûté la bagatelle de $600 :- «L'ouvrage a été mal fait et les matériaux employés étaient de qualité inférieure. » Le rapport était donc un blâme et une condamnation de Houlihan.


Entre temps, M. le Curé demandait l'opi- nion d'avocats célèbres de New Bedford, Taun-


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ton, Boston et Lawrence. Tous, dans leur con- sultation écrite, disaient que l'entrepreneur seul était responsable des dommages.


En dépit de l'autorité de ces hommes com- pétents et désintéressés, on essaya par tous les moyens à dégager la responsabilité de Houlihan. Certaines gens conseillaient même de l'indem- niser pour qu'il reprit l'ouvrage tombé et déjà payé. D'autres auraient préféré démolir ce qui restait encore debout et reconstruire sur un plan plus modeste,-mais pas un plan de Venne. La prudence, la crainte d'un procès ruineux, la confi- ance des paroissiens ébranlée par certains esprits chagrins, tout cela était autant de raisons de mo- difier les plans de l'église.




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