Saint-Antoine de New Bedford, Mass, Part 5

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Publication date: 1913
Publisher: Montreal, Que. : Imprimerie du Messager
Number of Pages: 232


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Oh! ce qu'elle en éveille de pensées et en fait vibrer de sentiments votre église, admirable, su- perbe, drapée dans sa magnificence tout neuve pour la dédicace!


J'admire les splendeurs de l'art dont elle brille. Sa flèche montant fièrement dans le ciel, ses proportions harmonieuses, ses décors, son vaste sanctuaire, sa vision de saint Antoine me


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font songer à une hymne à la Beauté, que seul un artiste ou un saint pourrait chanter.


Mais ce qui m'émeut plus encore c'est le cœur de cette paroisse, fait de tous les vôtres, battant à l'unisson du cœur de son curé, d'où a jailli cette œuvre glorieuse.


J'ai assisté à son origine; - après dix-sept ans, le souvenir m'en revient précis comme d'hier. - Je vous ai vus prier dans votre chapelle en bois, parlant en toute confiance, par l'inter- médiaire de votre grand avocat du ciel, saint Antoine, au Dieu des humbles et des travailleurs. Ah! ce qu'il a fallu attendre, lutter, souffrir de- puis ces jours, additionner d'économies quoti- diennes aux vertus et aux sacrifices quotidiens, pour arriver au triomphe de ce jour! Vous avez connu les épreuves: - Dieu baptise souvent dans les larmes les œuvres qu'il aime. - Les vi- caires de cette paroisse ont épuisé avec vous toutes les ressources du dévouement et les in- dustries de l'apostolat.


Votre curé a subi des luttes douloureuses. Ses épreuves ont été multipliées par toutes vos épreuves, parce qu'il vit chacune de vos vies.


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Et voilà pourquoi, aujourd'hui, sa joie est mul- tipliée par toutes vos joies, et les actions de grâce montant de son âme par toutes les actions de grâce qui montent des vôtres!


Il a eu cette faveur toutefois, plus précieuse encore qu'une vie tranquille, de recevoir du ciel le courage que rien ne dompte, l'énergie qui se redresse sous les revers, comme le chêne sous l'orage, et de sentir, aux heures les plus acca- blantes, alors que toute volonté humaine se lasse et cède, qu'il pouvait compter sur vos cœurs, comme sur un appui qui ne fléchit pas. Te Deum laudamus! Louons-en le Seigneur; Seigneur, soyez-en béni !


La dédicace de votre église éveille une autre pensée consolante dans nos esprits.


Elle démontre de nouveau, et, cette fois, d'une façon éclatante, qu'avec la paroisse catho- lique reconstituée sur la terre américaine, vous avez retrouvé ici tous les secours religieux de là-bas. Vous vous êtes dit, en hommes de foi vi- goureuse, que, pour être contraint par des né- cessités matérielles de quitter sa terre natale, on


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n'est pas, on n'est jamais, où que l'on aille, con- traint de quitter son Dieu.


Incidemment, vous avez convaincu une fois pour toutes les sceptiques de toute origine, que vous n'avez pas besoin que d'autres vous bâ- tissent des églises.


Tous, émigrés de la vieille Europe ou du jeune Canada, nous avons laissé derrière nous, en quittant nos foyers, des angoisses religieuses. Nos parents, nos pères et nos mères se deman- daient, au jour de l'adieu, si leurs enfants, sur un sol protestant, pourraient devenir Américains sans cesser d'être catholiques.


Quand le vieil Irlandais, les larmes dans les yeux, debout sur les rivages verts d'Erin, em- brassait une dernière fois ses fils, il leur disait : « Vous ne serez plus pauvres comme nous et vous serez libres; mais vous souviendrez-vous des chants pieux du berceau et serez-vous chrétiens toujours ? » - « Dans cet immense tumulte des affaires, disait la Pologne à ses enfants, enten- drez-vous encore le nom de Dieu ? » - « Fait-on sa prière, reprenaient toutes les mères d'émigrés, et parle-t-on de Jésus parmi les batailles améri-


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caines pour l'argent et dans ce conflit des ambi- tions matérialistes ? »


Est-ce que vous ne vous souvenez pas vous- mêmes avec quelle émotion, quelle bonne foi plus profonde qu'éclairée, vos familles vous ré- pétaient en causant tristement du départ pour les États-Unis: «Est-ce que le bon Dieu est là, aussi, par de-là la frontière ? Vous gagnerez de l'argent dans les usines, des millionnaires paie- ront cher votre travail; mais aurez-vous des églises où prier, des cérémonies religieuses où l'on parle du ciel et où l'on en jouit à l'avance ? Vos enfants seront-ils baptisés et instruits ? Au- rez-vous des prêtres qui vous comprennent, vous assistent à la mort, soient vos meilleurs amis, comme sont les nôtres ? Peut-on partir de là pour s'en aller en paradis ? »


Oh! la magnifique réponse, partie de tous les points de la République, mais en parti- culier de la Nouvelle-Angleterre, qui monte, en éclats de fanfare, par-dessus les montagnes de la frontière et s'en va, depuis quarante ans, rassurer nos frères et nos amis de là-bas, calmer les alarmes des mères qui n'ont cessé


MGR HERMANN BRUNAULT Évêque de Nicolet


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de prier pour leurs pauvres enfants d'Amérique!


Louons-en le Seigneur! Seigneur, soyez-en béni !


Or voici, pour être plus rassurante encore, que cette réponse sera proclamée chez nous par la voix autorisée, sincère et aimée denos évêques.


L'hospitalité de Monseigneur de Fall River n'a pas de frontière. Elle est large comme sa foi. Avec le curé de Saint-Antoine, il s'est souvenu que parmi les fidèles confiés à sa garde pastorale, plusieurs sont les fils et les petits-fils spirituels des archevêques et des évêques du Canada fran- çais.


C'était la pensée d'un bon cœur de songer qu'à ces pères il serait doux de constater que leurs enfants n'ont pas dégénéré et les aiment toujours.


Et Sa Grandeur Mgr l'Archevêque de Mont- réal a bien voulu se rendre à l'invitation. Quelle joie de revoir celui qui a constamment gardé parmi vous des liens si précieux et a suivi d'une âme paternelle tout ce qui vous intéresse et vous console! Je sais-vous me l'avez dit vous-mêmes


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-que son nom résonne à vos oreilles comme un honneur qui vous serait un peu personnel, parce que ce nom vous est synonyme d'amour pour les humbles, de luttes pour la classe ouvrière, d'élo- quence et de gloire eucharistique.


Avec vous, Monseigneur l'Auxiliaire de Qué- bec, c'est toute la tradition du premier siège épiscopal du nord de ce continent, les annales d'une église, mère de tant d'autres églises, qui re- passent, comme des pages ouvertes devant nos yeux. Votre présence au milieu de nous apporte à nos âmes émues tout ce que les souvenirs de l'histoire nationale et les luttes de nos pères pour la foi, tout ce que la fermeté jointe à la bonté la plus condescendante peuvent nous inspirer de reconnaissance joyeuse et de filiale fierté.


Quelle joie enfin pour vous, mes chers amis, d'exprimer aujourd'hui, aux pieds de Jésus- Christ notre chef, votre réponse, -l'affirmation de votre religion conservée et robuste, devant ces évêques venus de loin pour en être les té- moins heureux. En présence de tous ces pré- lats et ces prêtres, vos attitudes de priants sont une confession, l'église que vous avez bâtie, une


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éclatante profession de foi. Vos fronts levés vers le sanctuaire, vos yeux dont l'éclat porte l'or- gueil sacré de vos croyances proclament haute- ment que vous êtes encore et partout les fils soumis de vos évêques et de vos prêtres, des catholiques que ni la liberté ni les distances n'ont grisés, pour qui le Christ est le même sous tous les cieux, et qui, pour saluer loyalement le drapeau étoilé, n'ont pas besoin d'oublier le drapeau du Calvaire, ou même le tricolore, la harpe ou la feuille d'érable; des catholiques qui disent à qui veut l'entendre: Nous ne som- mes ni d'une origine, ni d'une espérance, ni d'une race, ni d'un credo inférieurs !- Si vous en voulez la preuve: voilà nos pères !


Telles sont, mes frères, la profession de foi et les leçons de choses que vous nous offrez. Per- mettez qu'à ces réflexions toutes de circonstance j'en ajoute quelques autres que cette fête appelle.


Voilà ce que nous sommes, nous avez-vous dit; voilà ce que l'église doit être pour vous, dirons-nous à notre tour.


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Vous y avez reçu le baptême, l'eucharistie, des pardons, mille faveurs de la Miséricorde. Elle est la maison de Dieu, et partant, la maison de l'âme; la maison où Lui réside, la maison où elle le reçoit et lui parle; la maison où il est en- seigné, comme dit le psaume dans l'office de la dédicace: Deus in domibus ejus cognoscetur ; la maison, j'allais dire l'école, où l'âme l'entend et le comprend.


C'est cette pensée que je voudrais souligner en rappelant que l'église est, en même temps qu'une maison fraternelle, une école de doctrine et de courage.


Le chrétien qui entre à l'église, si grand, puis- sant, savant soit-il, sait qu'il n'entre pas chez un égal : il entre chez notre Père. Il se fait dès lors dans son esprit comme une mise au point, un appel à l'ordre qui le met à sa place; sous le niveau de la croix, il devient, comme nous tous, un membre de la grande famille. Si un homme du peuple vient s'asseoir près de lui, il n'a pas le droit de lui dire: Vous vous trompez : nous ne sommes pas de même classe!


Tout le monde est de même classe à l'église.


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Si, par ignorance, le riche voulait insister, son frère le pauvre n'aurait qu'à écouter un instant le silence éloquent des nefs, il entendrait bientôt comme un écho lointain d'Évangile nommant un pauvre appelé Lazare et un riche qui le supplie d'avoir pitié. Cet écho réveillerait vite à l'autel la voix qui a dit : Beati pauperes, et : Venez à moi, vous tous .. . sans distinction, pourvu que vous ayez des fardeaux à porter, des plaies à faire guérir, des larmes à sécher, des bienfaits à rece- voir. Tous, et ensemble, puisque c'est la même table qui est dressée, et le même Père offrant le banquet. Tous, les justes pour s'y rafraîchir, faire halte dans la joie et repartir avec courage en entraînant leurs frères; les pécheurs pour pleurer au souvenir des grandes époques heu- reuses de leur vie, déposer leur charge honteuse dans la miséricorde et l'absolution de Jésus. Tous, puisque tout le monde est de même classe, à l'église, et de même famille.


L'église est aussi une école, école gratuite par excellence, la seule qui le soit en réalité,-une


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école de science morale, de philosophie populaire d'ordre, de justice, de bonheur. Telle elle est dans tous les pays du monde, et a toujours été; telle elle est, et il est nécessaire qu'elle soit, en parti- culier aux États-unis.


Ce pays, en effet, malgré la liberté et les li- bertés dont il s'enorgueillit, refuse aux catholi- ques,-au moins sous une forme passive,-les écoles que leur conscience réclame. Il ne les leur accorde, et encore avec des restrictions et des dé- fiances, qu'à condition de les leur faire payer deux fois. Une loi rétrograde, née du préjugé et maintenue par lui, vous donne la liberté d'a- cheter votre liberté. Beaucoup de catholiques l'ont achetée. Au prix de lourds sacrifices et d'un travail héroïque, après avoir payé vos taxes pour les écoles où n'entrent pas vos enfants, vous avez bâti vos écoles paroissiales. C'est un des spectacles les plus réconfortants de nos jours. Vous avez même, quand on vous en a donné l'occasion, offert à ceux qui tiennent en suspicion la compétence catholique le spectacle d'une concurrence victorieuse.


Cependant, malgré ces dévouements admi-


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rables, combien des nôtres n'ont pas encore leurs écoles confessionnelles, ou bien ne savent pas en profiter.


C'est pour eux surtout que l'église doit se faire école et combler les lacunes, en enseignant ce qu'on leur a laissé ignorer, ou en réformant ce qu'on leur a enseigné de trop.


Quand le vénérable cardinal Gibbons donnait naguère les trois causes principales de ruine qui menacent la République, il plaçait, avant le divorce et la soif des jouissances matérielles, l'école publique. C'est que toute science est ténèbres, si elle ne s'illumine d'un rayon d'en Haut; toute atmosphère scolaire est infecte, s'il n'y passe un souffle évangélique; tout enfant contraint aujourd'hui est le révolté de demain, s'il ne connaît l'auteur premier et la sanction suprême des lois qui le contraignent; tout écolier instruit est l'artisan mieux armé et l'instru- ment plus habile des ruines de l'avenir, si son âme n'est formée par la discipline religieuse et la connaissance des principes immortels de la vérité.


C'est l'œuvre de la chaire catholique de les


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lui apprendre, ou de les lui rapprendre, si l'école publique les a déformés en lui.


-Enfants,-enfants de tous les âges, écoutez bien et acceptez cecomplément nécessaire à votre instruction :- Vous avez appris ailleurs l'arith- métique; fort bien! Ajoutez ceci à vos connais- sances : n'additionnez et ne multipliez jamais des profits, sans connaître l'équité de leur origine.


-Vous arrivez vite, par des méthodes perfec- tionnées, à des équations d'algèbre, à débrouiller des comptes et a en faire l'équilibre: comptez de même vos obligations et gardez en toutes choses l'équilibre entre vos droits et les droits des autres.


-Vous savez le secret pour faire fortune vite, pour manœuvrer des coudes et frayer votre che- min à travers des concurrents: souvenez-vous que les hommes, votre prochain, ne sont pas une matière corvéable à merci, livrée à l'exploitation des plus forts, que l'honneur vaut mieux que les honneurs, que les succès sans justice sont des hontes, que l'instruction est une arme d'oppres- seur, d'assassin et de voleur, quand elle n'est maniée que par des appétits.


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-Enfants, l'école vous a outillés pour toutes les luttes de la vie, elle y a ajouté les ornements des arts et des lettres : n'en faites jamais des ou- tils de destruction contre l'ordre et la société, et si, dans les inégalités sociales nécessaires, il vous arrive d'être des vaincus, respectez quand même l'autorité légitime et n'allez pas, par des haines, des violences et des révoltes socialistes, multi- plier vos malheurs et perdre la compensation promise par le Dieu, devant lequel toute défaite peut devenir une victoire.


-L'école vous a appris l'origine des conti- nents, l'histoire, la géographie des patries et des peuples : gardez dans vos mémoires une autre origine, divine celle-là, qui vous fait fils de Dieu; la géographie d'une autre patrie, en haut celle-là, notre patrie du ciel, la patrie dont on nous entre- tenait au catéchisme de l'école, en nous appre- nant d'où nous venons, où nous allons, par quel chemin il faut arriver; celle qu'on ne conquiert pas avec de l'argent et qui est la fin dernière de toutes les ambitions des cœurs nobles, croyants, planant au-dessus de la matière, et qui ne bâ- tissent pas sur cette terre, dans les jouissances,


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les succès, les richesses, les honneurs et tous les hochets d'un jour, leur demeure permanente.


Voilà ce que l'école catholique ajoute, et, pour ceux qui ont le malheur d'en être privés, ce qu'ajoute l'église à l'instruction neutre.


J'ai dit de plus que l'église est une école de courage.


Savoir n'est pas assez. La science, comme la foi, est morte, si elle demeure sans œuvres. C'est ce qu'à prêché Jésus lui-même, en définissant cette milice qu'est notre vie, et le royaume des cieux que, seuls, les courageux enlèvent de haute lutte. C'est ce que continuent de prêcher à l'église les prêtres de Jésus, en ranimant sans cesse nos ardeurs pour toutes les batailles chré- tiennes.


Par ailleurs, cette école de courage et d'ac- tion nous est, plus que jamais, devenue néces- saire, et, plus que jamais, il nous faut, de la chaire, en recevoir les motifs et les impulsions. Deus mandavit unicuique de proximo suo: A cha- cun de nous, Dieu a commandé d'aider au salut


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du prochain. A chacun, à tous, aux prêtres d'abord, puis, dans le respect de la hiérarchie et de la discipline, aux laïques eux-mêmes.


La doctrine de certains catholiques, qui vou- draient laisser au clergé seul les œuvres religi- euses, est une illusion fatale, si elle n'est une ins- piration d'hérésie. Les attaques viennent de partout et sous toutes les formes ; la défense doit également partir de tous les rangs.


A le bien prendre, les laïques ont plus d'in- térêt que les prêtres à sauvegarder l'influence bienfaisante de l'Église, de sa morale, de son édu- cation et de ses principes. Le prêtre, lui, après son devoir accompli, s'en va à sa récompense; le laïque se survit dans ses enfants. L'apostolat qu'il exerce contribue à leur laisser la meilleure part de leur héritage.


Nous ne vivons plus en un temps où le père de famille a rempli tout son devoir, quand il a été à la messe, a fait sa prière, a communié, s'est bâti une jolie maison, a payé ses dettes, retiré ses loyers et marié ses filles.


Au chrétien, l'enseignement de l'Église de- mande davantage.


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Elle ne veut pas, au moment où l'on conspire contre le Christ, dans les théâtres, chez les bu- veurs, dans les officines des journaux, des gou- vernants, des viveurs et des sociétés de tout nom, elle ne veut pas que ses enfants, mis en cause pour Lui, répondent en rougissant: «Je ne con- nais pas cet homme! » Elle ne veut pas de répé- tition de la scène de Gethsémani.


Et pourtant, comme elle se joue dans le mon- de cette scène navrante! D'un côté, les disciples qui dorment, de l'autre, les traîtres qui agissent ; d'un côté l'ardeur fiévreuse qui travaille en se- cret, ramasse et pousse en avant tout ce qui d'instinct haît la vérité et court à l'ignominie, serviteurs méprisés de toutes les rancunes et de tous les fanatismes, actifs pourtant et prêts à tous les sacrifices pour assurer .. . quoi donc ? le baiser de leur trahison.


D'autre part, c'est la même insouciance des catholiques qui laisse faire. Ils savent bien que le scandale se répand et qu'on foule aux pieds les droits de la vérité et de la conscience; mais agir, eux ? A l'action, opposer l'action, à l'organisation des forces pour le mal, opposer l'organisation des


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forces pour le bien ? Ne leur demandez pas ces sacrifices. Est-ce qu'ils sont tenus de perdre du repos, de l'argent, de la popularité, pour défen- dre le Christ ? Cela est bon pour les partisans du mensonge et de Satan! Mais pour Jésus-Christ est-ce qu'on n'a pas fait assez quand on a com- munié, juré fidélité, suivi jusqu'à la porte du jardin, et qu'on a eu de la peine en Le voyant agoniser ?


Et ils dorment !


Et voilà pourquoi, quand les deux cités viennent en face l'une de l'autre, les tenants du Christ plongés dans une égoïste sécurité, et les impies remuants et affamés, quand la lutte s'en- gage entre le bien et le mal, entre le nombre et le droit, c'est si souvent,-ô honte qui déconcerte! -c'est si souvent un vulgaire Iscariote qui l'em- porte!


Qu'il n'en soit jamais ainsi chez vous! Et j'exprime là plus qu'un souhait, plus qu'une es- pérance :- j'exprime la certitude de votre fidé- lité chrétienne et de votre apostolat.


Vos sacrifices passés, garantissent ceux de l'avenir. Votre église, maison de Dieu, école de


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doctrine et de courage, en maintiendra la sta- bilité, en continuant d'être pour tous la maison fraternelle, de la prière et du bonheur, comme je vous le souhaite, avec la bénédiction de Monsei- gneur.


La cérémonie se termina par une courte allo- cution de Mgr Feehan. Sa Grandeur félicita le Curé et ses paroissiens. Puis il remercia en ter- mes délicats, et en un excellent français, les évêques du Canada et tous les prêtres qui avaient daigné participer à cette fête.


BANQUET DU 28 NOVEMBRE 1912


Le Banquet


Al'issue de la messe, les évêques, les prêtres et quelques autres invités furent priés de descendre dans la crypte de l'église, où le dîner était servi.


Le menu et le service de ce banquet avait été confiés à M. Whitfield; la décoration de la salle, à MM. Dauphinais et Folster. Les chrysan- thèmes qui ornaient la table d'honneur, les branches de vigne tressées en arches au dessus des convives, les banderolles et les drapeaux multicolores, plusieurs écussons portant les armoiries des évêques : tous ces décors, dans un flot de lumière, formaient un spectacle féerique.


Pas de discours, pendant et après le dîner. Et si nouveau que cela ait paru, personne ne s'en est plaint.


En revanche, de la musique, de la bonne mu- sique, et par un bon orchestre,-sous la direc- tion de M. Alphonse Robitaille, un paroissien de Saint-Antoine et brillant élève du Conserva- toire de Bruxelles.


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M. Deslauriers crut répondre à la curiosité bien légitime des convives, en leur distribuant à la fin du banquet un feuillet contenant quel- ques statistiques de Saint-Antoine.


«Voici, y lisons-nous, les différentes soumis- sions faites pour la construction de l'église St- Antoine, d'après les plans et spécifications de Jos. Venne, architecte de Montréal. Les clochers et la claire-voie devant être en bois et en ardoises John B. Sullivan $297.000


J. W. Bishop & Cie 289.700


Dubuque. 229.000


Fauteux, Canada 200.000


Pauzé Fils, Canada 196.000


Beaulieu Fils, Canada 180.000


Benj. Smith & Cie 180.800


M. J. Houlihan 166.000


«Lorsque l'entreprise fut confiée à M. J. Hou- lihan, en 1903, la paroisse n'avait en caisse que $11,000. Le 5 octobre 1904, lors de l'accident, M. J. Houlihan avait déjà reçu $96,648.36. C'est-à-dire, tout le montant qui lui était dû. La paroisse ayant mis M. J. Houlihan de côté, a démoli et reconstruit une grande partie de


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l'ouvrage déjà fait et payé. Pour refaire ces tra- vaux, pour terminer l'église, y compris les sys- tèmes de chauffage et d'éclairage, les orgues, les autels, les bancs, les vases sacrés, les ornements, enfin tout l'ameublement, la paroisse a dû dé- bourser $245,360-y compris les frais du procès s'élevant à $26,000. En y ajoutant les $96,648 déjà payés à Houlihan l'église coûte donc $342, 000. La paroisse St-Antoine a aujourd'hui, le 28 novembre, 1912, une dette consolidée de $130, 000 à 438 p. c. sans dette flottante.


« De sorte que la paroisse a payé en moins de 9 ans $212,000, tout près de $24,000 par année.


«En se basant sur ces chiffres, sans escomp- ter l'avenir, il est facile de prévoir que dans cinq ans la paroisse St-Antoine n'aura pas un sou de dette. »


Au café, M. le curé monta sur l'estrade des musiciens et termina le banquet par l'allocution suivante :


MESSEIGNEURS, MES CHERS CONFRÈRES, MESSIEURS,


Lorsque j'ai présenté le programme de cette fête à l'approbation de Mgr Feehan, je lui ai


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demandé la faveur de n'avoir pas de discours après le banquet. Sa Grandeur me répondit : «Je veux bien; mais à condition de me laisser au moins remercier Nos Seigneurs les évêques et les prêtres qui seront présents à cette fête. »


Ce désir était aussi le mien. Mais voilà que Monseigneur a fait ses remerciements après la messe pontificale! j'en suis heureux, puisque cela lui a aussi fourni l'occasion de remercier mes paroissiens.


-«Seulement, vous remercierez vous-même, après le banquet, » a-t-il ajouté, tout à l'heure. Et comme je ne veux pas commencer aujour- d'hui à désobéir à mon évêque, je m'exécute.


Remercier est une tâche agréable, sans doute ; mais ce qui n'est jamais aisé pour moi, c'est de dire mes pensées et mes sentiments en public,- à moins qu'il ne s'agisse de demander une col- lecte .- Je sens trop, cependant, mon cœur dé- border, en ce moment, de joie et de reconnais- sance, pour ne pas trouver des mots pour le dire.


Reconnaissance d'abord envers mon évêque. Il a été pour moid'une bonté toujours paternelle. C'est à lui que je dois et à la confiance qu'il m'a


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sans cesse manifestée d'avoir traversé heureuse- ment les épreuves des dernières années. Il faut bien des revers pour ébranler un curé qui s'appuie sur son évêque, et que son évêque soutient!


Je suis aussi très reconnaissant envers Messei- gneurs les évêques du Canada, et envers Mgr Da Sylva, qui ont daigné prendre part à notre fête.


J'ai pour Mgr Bruchési en particulier un merci plus cordial encore, si c'est possible. C'est que, tout d'abord, je viens de l'archidiocèse de Sa Grandeur; j'ai même eu l'honneur, alors que Mgr était chanoine, de faire du ministère à ses côtés, chez le bon M. Dauray, de Woonsocket. Pendant sept mois, Monseigneur avait tâché, au milieu de nous, de refaire ses forces compro- mises; j'ai encore toute vive dans la mémoire, une parole qu'il me dit avec tristesse, après une nuit sans sommeil :


-« Mon cher, je suis un roseau brisé ... mais que la volonté de Dieu s'accomplisse ! »


La volonté de Dieu s'est accomplie,-elle s'accomplit toujours,-et je n'ai pas besoin de dire avec quelle joie nous saluons, dans Sa Grandeur, le roseau brisé.


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Ma reconnaissance débordante aussi pour M. Venne, l'architecte de notre église. Il a tout le mérite d'avoir conçu le plan grandiose de l'édifice; et ce lui doit être une grande joie de le voir exécuté tel qu'il la conçu. Notre artiste, M. Castagnoli a su comprendre l'idée de M. Venne, et il l'a traduite en couleurs merveilleuses, chaudes, vives; il la fait chanter par ses anges et ses sculptures admirables.


Je remercie nos avocats. Ils m'ont sauvé de la ruine; - quelqu'un m'a même dit: de la chaise électrique.


Je vous remercie tous, mes chers confrères, de m'avoir apporté aujourd'hui, par votre pré- sence, cette nouvelle preuve de sympathie ;- je vous convie encore pour la cérémonie de ce soir- je sais que vous désirez entendre l'éloquent ar- chevêque de Montréal.




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