USA > Massachusetts > Bristol County > New Bedford > Saint-Antoine de New Bedford, Mass > Part 3
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« Cette société nationale, exclusivement amé- ricaine, qui n'a que neuf années d'existence, compte déjà dans ses rangs 25,000 membres re- crutés parmi l'élite de nos populations franco- américaines. C'est elle qui a pris l'initiative de ce beau mouvement appelé la société du Denier de St-Pierre, qui consiste à faire contribuer nos sociétés au soutien du Souverain Pontife. C'est elle encore qui eut l'idée de cet arc-de-triomphe élevé dans la ville de Montréal à Jésus-Hostie.
« L'esprit chrétien, si bien personnifié par les membres de son grand conseil, s'est manifesté tout récemment, au congrès de Manchester, par la création d'une caisse écolière pour les aspi- rants au sacerdoce et d'un fonds de réserve pour les orphelins.
« Cette société, qui réunira bientôt dans son sein les forces vives de notre élément aux États- Unis, a compris les enseignements de Pie X, et ne désire qu'une chose: faire de l'action sociale
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catholique dans la mesure de ses forces, et tra- vailler au progrès religieux de ceux qui nous sont unis par le sang et de communes aspirations.
« La presse franco-américaine mérite aussi notre reconnaissance, parce qu'elle est d'ordi- naire franchement catholique. Il n'est pas jus- qu'aux journaux américains qui nous soient généralement sympathiques et nous rendent à l'occasion de nombreux services. Pour notre part, nous devons beaucoup aux feuilles an- glaises de cette ville.
« Monseigneur, nous avons ici ce soir le pre- mier magistrat de New-Bedford, Son Honneur le maire Ashley, et plusieurs de nos échevins. Ceci vous prouve que, nous catholiques, nous avons non seulement la protection des lois de ce pays, l'ombre tutélaire de son glorieux drapeau, mais encore l'amitié de ceux qui en sont les repré- sentants officiels.
« Enfants gâtés des autorités municipales de cette ville, nous avons même à nous reprocher d'avoir été parfois un peu exigeants. Toutefois, grâce à l'obligeance et à la courtoisie de Son Honneur, ici présent, grâce aussi peut-être à
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mon entêtement, j'ai toujours vu se vérifier ce proverbe : « Demandez et vous recevrez ».
« Il est un autre personnage, éminent par ses talents et sa probité, par la haute position qu'il occupe, que je désire faire connaître à Votre Grandeur; monsieur le Congressman Greene.
« Cet homme qui a vieilli dans l'enceinte par- lementaire de Washington, est un ami des Cana- diens, dont il parle la langue. Il est de toutes leurs fêtes, et montre par ses relations cordiales avec eux, qu'il les considère comme de loyaux sujets de la république américaine.
« Et pourquoi ne le serions-nous pas, quand cette nouvelle patrie nous accorde une si large hospitalité, quand nous y sommes si à l'aise sous l'égide et la protection de ses lois ?
« La liberté, Monseigneur, n'est pas inscrite sur la façade de nos édifices publics comme en certains pays de l'Europe; mais si le mot n'y est pas, nous avons la chose. Grâce à elle, grâce à cette sublime conquête qui ne peut être le fruit des seuls efforts de l'humanité, nos églises se construisent, nos écoles regorgent d'enfants, nos paroisses prospèrent, et les fils de la vieille
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France, transplantés en cette république, peu- vent lui accorder leur allégeance la plus com- plète, lui donner au besoin la dernière goutte de leur sang, sans, pour cela, trahir leur religion, renier leur origine, ou même oublier la langue de leurs aïeux.
« Monseigneur, à vous qui présidez ces grands mouvements religieux qui se conti- nuent à travers le monde depuis un quart de siècle, à vous qui avez charge d'âmes dans un diocèse du noble pays de Belgique j'ai aussi l'insigne honneur de présenter le représentant du premier pasteur de ce diocèse, M l'abbé Cassidy, chancelier de Fall River.
« Ilnem'appartient pas de faire l'éloge de mon évêque, ni à plus forte raison de vous demander de vous faire son apologiste auprès du Saint- Père; mais s'il arrivait que, dans l'entrevue que vous aurez bientôt avec Sa Sainteté, il fût ques- tion de votre passage au milieu de nous, je vous prierais instamment de dire au Père commun des fidèles que les catholiques du diocèse de Fall River aiment et vénèrent leur Ordinaire; qu'il n'en est pas un qui n'admire sa piété, sa
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sagesse, et son esprit de justice, et que, pour nous, en particulier, les Canadiens de son diocèse, nous avons trouvé la paix dans la confiance sous sa paternelle direction.
«Je termine, Monseigneur, cette adresse un peu longue en vous exprimant notre sincère reconnaissance. Grâce à vous, grâce à votre visite, nous allons maintenant être plus rap- prochés du vicaire de Jésus-Christ. Car nous- n'ignorons pas les liens étroits qui vous unissent au siège apostolique de Pierre, et personnelle- ment à Pie X.
«Voici notre dernier vœu; vous serez bientôt au pied de Sa Sainteté, dites-lui qu'elle n'a pas d'enfants plus dévoués que les franco-améri- cains; dites-lui qu'ils aiment dans le pape glori- eusement régnant leur Père, qu'ils admirent l'apôtre de l'Eucharistie et le Docteur puissant, qui, après avoir terrassé bien des erreurs, vient de donner le coup de grâce au jansénisme ex- pirant.
«Ajoutez, s'il vous plaît, que cette église de Saint-Antoine de New-Bedford, dont il a béni les plans en y apposant son autographe, sera
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bientôt terminée; que nous vous y avons reçu dans l'allégresse, qu'elle est l'œuvre de l'ouvrier chrétien franco-américain, dont la main géné- reuse s'ouvre sans se lasser jamais, pour son Dieu, pour sa langue, sa nationalité et sa foi. »
Quand Mgr Heylen apparut à la tribune, ce furent des acclamations prolongées. - «Salut à vous! dit-il; merci au peuple de la paroisse Saint-Antoine, à la population de New Bedford pour tout ce que vous avez fait à l'occasion de la visite de celui qui a l'honneur d'être le pré- sident du comité permanent des Congrès eucha- ristiques. Je sais bien que cette belle démons- tration n'est pas pour mon humble personne; mais bien en l'honneur de la noble mission dont le Pape a daigné me charger. Merci à Monsei- gneur de Fall River, qui m'a ouvert les bras comme à un frère; merci à M. le grand-vicaire Cassidy, qui le représente ici ce soir; merci à Son Honneur le Maire. »
Puis monseigneur de Namur nous fit un beau parallèle entre la Belgique et le Canada : «Les
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deux pays, dit-il, ont bataillé et ont souffert pour la foi; mais, comme on ne lutte jamais en vain pour une noble chose, les deux pays ont gardé leur foi, et ils la garderont dans l'avenir. Les peuples des deux pays sont et seront toujours de bons patriotes, parce qu'ils sont et veulent être toujours de bons catholiques. »
Monseigneur nous dit ce que nous devons faire pour demeurer ce que nous sommes, c'est-à- dire catholiques et français. «Que les Canadiens répandus aux États-unis se tiennent groupés autour de leurs pasteurs, autour de leurs églises. Vos prêtres, ce sont vos meilleurs amis, vos plus dévoués défenseurs. Encouragez aussi vos so- ciétés nationales. L'école catholique, ah! c'est en elle, messieurs, que nous avons trouvé le se- cret de notre persévérance; c'est elle qui sait former de bons patriotes, des chrétiens fervents et des citoyens éclairés. Continuez la lutte pour vos écoles catholiques et paroissiales. Vos belles associations ont beaucoup travaillé pour vos œuvres paroissiales; elles ont lutté et luttent encore pour la défense de la religion, pour la conservation de la langue et pour la fidélité à
... ... ....
LA CHAIRE
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vos traditions ancestrales. Enrôlez-vous dans vos sociétés nationales, de préférence à toutes les autres.
«Canadiens-français, gardez votre langue, elle est la sauvegarde de votre foi, et gardez à la religion la place qui lui est réservée et à laquelle elle a droit; parents canadiens et catholiques, envoyez vos enfants à l'école paroissiale. Cana- diens-français, soyez de fidèles enfants de l'Égli- se et de la Patrie.
« Dans quelques semaines, je serai auprès du Saint-Père: je ne manquerai pas de lui parler des Franco-américains de New Bedford, et du superbe temple qu'ils ont élevé à l'honneur du Dieu des autels. »
Les Orgues
La visite de Mgr Heylen avait été pour New- Bedford un honneur. Pour les six paroisses canadiennes-françaises de la ville, qui étaient toutes représentées à la démonstration du di- manche soir, elle laissait le souvenir de belles leçons, de conseils précieux et de puissants en- couragements.
Une autre fête mémorable eut lieu deux ans plus tard, - le 10 septembre 1912. Il s'agissait, cette fois, de l'inauguration des grandes orgues de Saint-Antoine.
Construites par les MM. Casavant, de Saint- Hyacinthe, P. Q., et inaugurées par M. Gaston- M. Dethier, de New York, ces orgues furent bénites par Mgr l'évêque de Fall River. Elles sont considérées comme unedes merveilles sorties de la maison Casavant, d'où en sont sorties tant d'autres. Elles ont coûté $20,000 à la paroisse. Après le concert d'inauguration, les frères Ca- savant, tout vibrants encore d'enthousiasme,
L'ORGUE
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comme d'ailleurs tous les artistes et toute la foule qui y avaient assisté, déclaraient à M. Dethier que jamais aucun de leurs instru- ments ne leur avait procuré joie plus intense et satisfaction plus complète.
Aussi bien, Dethier s'était montré lui-même digne de l'instrument et avait manifesté toute la puissance et les beaux effets de son grand art. On ne saurait, disaient les auditeurs, à la sortie de l'église, donner un plus merveilleux instru- ment à un plus merveilleux artiste.
Parmi les membres du clergé qui assistaient à ce concert, dit le Journal de New-Bedford, nous avons remarqué :
Mgr Feehan, évêque de Fall River, Mgr J .- A. Prévost, P. A. curé de N .- D .- de-Lourdes, de Fall River; les RR. PP. Charron, Bourbonnière, Turcotte, Déziel, Doucet, du couvent des Do- minicains de Ste-Anne, Fall River; MM. les abbés Clerk, Hamel et Massé, de St-Antoine; M. le curé Antoine Bérubé; MM. les abbés A. Gauthier, J .- E. Sirois, de St-Hyacinthe, N. B .; MM. les abbés Nap. Leclerc, Ste-Anne, Woon- socket, R .- I .; M. C. Leprohon, Jos .- A. Fortin, de
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Ste-Famille, Woonsocket, R .- I .; Jovite Chagnon, J .- E. Roy, de St-Joseph, New Bedford; J. Bour- geois, Centreville; J .- Arthur Lacasse, St-Tite-des- Caps, Canada; P. Legendre, Thetford-Mines, P.Q .; Alfred Carrier, Taunton Mass .; Osias Bou- cher, St-Roch, Fall River; Charles Lemieux, Willimantic, Conn .; U .- O. Bellerose, Baltic, Conn .; J .- A. Fredette, Aldenville, Mass .; F .- A. Ordan, Washington, Conn .; J .- B. Labossière, Amesbury, Mass .; A. Prince et A .- P. Desrochers, Central Falls et plusieurs autres dont nous n'a- vons pu nous procurer les noms.
Son Honneur le maire Ashley et madame la Mairesse occupaient des sièges d'honneur. Ils étaient entourés de beaucoup d'autres person- nages marquants, venus des villes voisines ou du Canada.
Outre M. Dethier, on remarquait, au pro- gramme, M. Oscar Fontaine, organiste et maître de chapelle de Saint-Antoine, et tous les mem- bres du chœur de chant, dont il a la direction.
Le programme du concert avait été divisé, comme il a été exécuté, avec un art exquis.
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I
1 .- Prélude
Dethier
2 .- Aria .
Bach
3 .- Scherzo
. Widor
Orgue : M. Gaston DETHIER
4 .- Grand Chœur
Dubois
Les deux Chœurs de St-Antoine réunis (80 voix).
5 .- Fanfare.
Shelly
6 .- Élévation
Leroux
i
Orgue : M. Gaston DETHIER
7 .- Adoration
Borowsky
Violon: M. Alphonse ROBITAILLE
8 .- Christmas.
Dethier
a. Introduction.
b. Pastorale.
c. Variations sur « Adeste Fideles ». Orgue : M. Gaston DETHIER
Allocution : R. P. Louis LALANDE, S. J.
II
9 .- Illusion
Fontaine
Orgue: L .- J .- Oscar Fontaine
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10 .- O salutaris Dubois Chant: Mlle J. Normandin.
11 .- Abenlied Shuman
12 .- Scherzo Caprice
Bernard
Orgue : M. Gaston DETHIER
13 .- Marche Céleste
Massenet
Double Quatuor : Mlles J. Normandin, sopra- no; E. Phaneuf, soprano; Y. Phaneuf, alto ; B. Phaneuf, alto; MM. E. Gaucher, ténor ; M .- I. Dionne, ténor; E. Lemieux, basse et A. Léger, basse.
14 .- Gloria . . Thomas Orgue : M. Gaston DETHIER
15 .- Prière . Dubois
Les deux Chœurs de St-Antoine
Le sermon de circonstance fut prêché par le R. P. Louis Lalande, S. J. Il y a une douzaine d'années, le Curé avait dit au Jésuite:
-Quand je ferai bénir mes orgues, - car j'aurai plus tard de belles orgues, - promettez- moi de faire le sermon.
-Non seulement, je ferai le sermon, avait-il
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répondu; mais j'obtiendrai, - ce qui vaut beau- coup mieux, - de M. Gaston Dethier qu'il vienne les inaugurer, vos orgues.
La promesse était tenue, et tout le monde y applaudit.
Nous citons le sermon du révérend Père, tel que publié par l'Écho:
MONSEIGNEUR, MES FRÈRES
C'est pour une fête charmante que vous vous êtes réunis : vous êtes venus goûter les jouis- sances de l'art le plus doux et pratiquer la vertu la plus parfaite. Ce soir, la musique et la charité se donnent ici, dans la joie, un baiser harmo-
e vous en féliciter. C'est un le prendre part à cette inau- ues; et d'y avoir été invité je vous remercie.
monie dans cette fête: har- urs, qui vibrent à l'unisson euse allégresse, après avoir, euse générosité, doté votre gnifique comme elle ;- har-
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10 .- O salutaris Dubois Chant: Mlle J. Normandin.
11 .- Abenlied
Shuman
12 .- Scherzo Caprice
Bernard
Orgue : M. Gaston DETHIER
13 .- Marche Céleste .
Massenet
Double Quatuor : Mlles J. Normandin, sopra- no; E. Phaneuf, soprano; Y. Phaneuf, alto ; B. Phaneuf, alto ; MM. E. Gaucher, ténor ; M .- I. Dionne, ténor; E. Lemieux, basse et A. Léger, basse.
14 .- Gloria Thomas Orgue: M. Gaston DETHIER
15 .- Prière
Dubois
Les deux Chœurs de
Le sermon de circonstano R. P. Louis Lalande, S. J. I d'années, le Curé avait dit au -Quand je ferai bénir j'aurai plus tard de belles or moi de faire le sermon.
-Non seulement, je ferai
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répondu ; mais j'obtiendrai, - ce qui vaut beau- coup mieux, - de M. Gaston Dethier qu'il vienne les inaugurer, vos orgues.
La promesse était tenue, et tout le monde y applaudit.
Nous citons le sermon du révérend Père, tel que publié par l'Écho:
MONSEIGNEUR, MES FRÈRES
C'est pour une fête charmante que vous vous êtes réunis : vous êtes venus goûter les jouis- sances de l'art le plus doux et pratiquer la vertu la plus parfaite. Ce soir, la musique et la charité se donnent ici, dans la joie, un baiser harmo- nieux.
Permettez-moi de vous en féliciter. C'est un vif plaisir pour moi de prendre part à cette inau- guration de vos orgues; et d'y avoir été invité est un honneur dont je vous remercie.
Tout parle d'harmonie dans cette fête: har- monie dans vos cœurs, qui vibrent à l'unisson dans la même religieuse allégresse, après avoir, dans la même religieuse générosité, doté votre église d'un orgue magnifique comme elle ;- har-
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monie entre le pasteur et les fidèles : lui, prodi- guant, avec les énergies constantes de sa volonté, les fatigues et la tenacité d'une vie d'apôtre, toujours en activité pour les âmes et les œuvres de Dieu; vous, unis de cœur à son cœur et ré- pondant par une confiance sans limite à son zèle sacerdotal ;- harmonie entre cette église, hymne merveilleux de l'architecture et de la sculpture à la gloire de Dieu, poème de pierre dont les chants, comme la flèche de Saint-Antoine, mon- tent vers le ciel dans l'amour et l'espérance, et cet orgue qui en est le digne complément et l'anime de sa vie et de sa voix grandiose ;- harmonie dans tout ce qui nous entoure et nous émeut: dans le bonheur qui palpite dans les âmes, rayonne sur les physionomies et jaillit en prières sur les lèvres, dans ce luminaire dont on ne sait ce qu'il faut le plus admirer, ou du flamboiement qui nous éblouit, ou de la féerie des décors qu'il
met en relief, dans les voix du chœur chan- tant notre reconnaissance, dans l'admiration pour les artistes-frères qui on construit l'ins- trument merveilleux, qui fait leur honneur non moins que votre fierté, pour le virtuose célè-
R. P. LOUIS LALANDE, S.J.
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bre et modeste qui fait éclater ou murmurer dans son orgue tout le génie deson âme vibrante ; dans la bénédiction enfin que nous apporte Mgr l'évê- que de Fall River, dont la présence au milieu de nous témoigne, une fois de plus, de son zèle pour la beauté du culte et de sa paternelle bonté.
Puissé-je, sans être trop en désaccord avec toutes ces harmonies, vous dire que l'orgue, syntèse de la musique universelle, est, de tous les instruments de musique, celui qui répond mieux à nos aspirations religieuses et s'accorde plus parfaitement avec nos sentiments humains.
Un évêque se demandait naguère quel était l'inventeur de l'orgue. Ilse répondit à lui même : C'est le Christianisme.
Par ces mots il signifiait moins un fait absolu qu'un ensemble de faits, correspondant à un ensemble de tendances et de désirs de l'Église.
Dès les premiers siècles chrétiens, le poète Prudence pouvait écrire :
... organa disparibus calamis Christum concelebrat, Christum sonat, omnia Christum. «Tout ce que l'orgue aux tuyaux inégaux
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fait retentir d'harmonie, célèbre le Christ, chante la gloire du Christ. »
C'est qu'alors tous ceux qui prenaient part au culte divin, mandataires fidèles des traditions sacrées, n'avaient pas cédé à l'invasion du pro- fane dans les mélodies du sanctuaire. L'art chrétien était une hymne constante à la gloire du Christ,-et c'était assez. Jésus-Christ n'est-il pas, en effet, l'artiste dont l'idéal doit présider à toutes les inspirations. N'est-il pas le grand har- moniste qui a rétabli l'accord brisé entre le ciel et la terre ?
Ainsi l'ont entendu les artistes chrétiens de tous les temps. L'orgue devenant un auxiliaire du culte religieux, qui rend à Dieu l'hommage de l'homme tout entier, de ses sens, de son cœur, de son intelligence, ils ont compris qu'il ne doit point plaire seulement, mais enseigner, élever, prêcher. Dans le cœur des fidèles, il doit éveiller un écho divin, dans les intelligences allumer une pensée, à toute âme donner des ailes et la faire monter.
L'orgue parle le langage non seulement des initiés aux secrets de l'art musical, des connais-
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seurs qui analysent, mesurent, critiquent, for- mulent des jugements en termes techniques; mais il parle aussi le langage entendu des petits. Si ignorant soit-il, le catholique, qui prie sous le charme de ses modulations, le comprend, et, sans exprimer de jugement, le comprend très bien.
L'orgue, c'est la majesté dans tout ce que l'art a de plus imposant. C'est la simplicité dans tout ce que l'art a de plus accessible.
L'orgue, c'est l'Évangile musical ;- l'Évan- gile, plus profond que les traités des philosophes, simple et clair comme un abécédaire d'école; l'Évangile, grand comme le Dieu dont il raconte les miracles et les paraboles, humble comme le fils de Marie, qui aimait les humbles, causait avec les enfants et caressait leurs têtes blondes.
Et c'est parce que l'orgue répond à tous les sentiments, s'émeut avec tous les cœurs, trans- porte même ceux qui n'ont pas de mots pour traduire leurs transports, que l'Église, -insti- tuée, elle aussi, pour toutes les intelligences et pour toutes les tendresses, pour grouper dans le même sein maternel les humbles et les grands
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dans la même adoration du même Dieu,-a fait de l'orgue l'interprète de ses pensées et des ten- dresses de son cœur.
Que de réponses à nos questions et à nos inquiétudes d'âme, dans les vibrations des or- gues! Et comme il est doux de les entendre, chaque fois, du moins, que l'organiste, s'illu- minant du Christ, fait passer les inspirations de sa foi dans les jeux et le clavier de son instru- ment. Si variés que soient les sentiments hu- mains, l'orgue répond à chacun d'eux, ou les traduit tous. Par son étendue, les degrés infinis de son échelle, ses multiples registres, ses ri- chesses chantantes, ses accords, ses dissonances mêmes tour à tour absorbées par la mélodie normale, il passe de la douleur extrême des «de profundis » aux gaietés triomphantes des «alle- luia », des nuits sombres du deuil et des agonies aux matins radieux des résurrections.
Vous voulez compter les impressions qui se succèdent dans le cœur mobile de l'homme, di- sait l'auteur des «Méditations poétiques, » comptez plutôt les vagues qui ondulent sur le mobile Océan .- Vous voulez compter, ajoutons-
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nous, les sentiments que l'orgue traduit dans son mélodieux langage, comptez plutôt les murmures et les chants que la mer redit à ses rivages, quand ses vagues viennent mollement mourir sur le sable des grèves, ou quand le vent des tem- pêtes lui siffle des airs lugubres, la soulève, la secoue avec fureur, et la jette, échevelée et san- glotante, à l'assaut des falaises.
Est-ce la joie que vous désirez éprouver ?- cette joie surnaturelle qui ensoleille les physio- nomies, réchauffe et élargit la vie en la reliant à l'éternité ? Venez, entrez, l'église est ouverte, la messe va commencer.
L'orgue y prélude par une marche; et déjà cette musique enveloppe les hommes et les cho- ses d'un air de fête. On sent dans le pas allègre de la foule remplissant les nefs, dans les regards contents et recueillis, dans toutes les mines heu- reuses, en habits de dimanche, dans les échos répercutés par les voûtes et par les cœurs, com- bien il est doux à l'âme chrétienne, en attendant l'hosanna des cieux, de se redire, comme leprêtre va l'entonner tout à l'heure, à l'autel: «Sursum corda! » en haut, toujours plus haut, les cœurs !
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Écoutez encore. Ce n'est plus une marche joyeusement évocatrice que l'orgue exécute. Il s'est adouci, comme voilé: il soupire le « Kyrie eleison, » Seigneur, ayez pitié de nous! Puis, fort de cette pitié infinie, avant de professer grave- ment les articles de notre symbole, il proclame gloire à Dieu dans les hauteurs des cieux.
Écoutez encore. Est-ce la voix du Dieu du Sinaï qui gronde là-haut et roule soudain comme un tonnerre? ou, pendant l'offertoire, est-ce l'accent mystérieux de quelque prophète inspiré ? N'est-ce pas la voix de Jésus que l'on entend à l'élévation ? de ce Jésus descendu sur l'autel et qui appelle: Venez à moi, vous tous qui êtes fa- tigués ? Et, comme la voix de ce Dieu doux et humble, la voix de l'orgue ne s'est-elle pas faite, elle aussi, douce et humble, discrètement émue pour nous parler et nous émouvoir ?
Écoutez- encore. C'est la voix de nos morts que nous entendons dans les lentes mélodies tristes, échappées des flancs de l'orgue, aux jours des funérailles et des anni- versaires funèbres; tels le stabat d'un Rossini, les hymnes baignées de larmes des semaines
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saintes, les longs soupirs d'une mère en deuil.
Écoutez, écoutez encore. C'est, après nos com- munions, notre propre voix passée dans l'ins- trument. Il chante nos actions de grâce, il adore, et il espère avec nous, il module, au ciel qui a visité la terre, nos misères et nos demandes, et lui porte nos mercis reconnaissants.
Ah! je ne m'étonne pas, orgue merveilleux, que par toi, il fasse si bon revenir dans la maison de Dieu! Tu prends l'homme par tout ce qu'il y a de meilleur et de plus délicat, de plus religieux et de plus humain à la fois, pour l'ennoblir et le surnaturaliser.
Tu as toutes les voix de la nature, tu es le ré- sumé des concerts que l'univers chante à la gloire de Dieu!
Tu as l'éclat saisissant des soirs d'éclair et d'orage. Tu as la douceur attendrissante et mé- lancolique de la brise emportant sur son aile la fraîcheur des campagnes, l'arôme des bois, le son pieux des angelus, le parfum ravi aux prairies et aux frondaisons nouvelles. Tu as des mouve-
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ments de colère comme celle du Juge suprême, et tu prononces des condamnations dans les consciences coupables. Après des chants d'oi- seaux et des accents guerriers, tu as des épan- chements de tendresse, comme une voix d'ami, consolante et longtemps attendue.
Et dans cette voix, ce sont des souvenirs aimés qui reviennent, toute une jeunesse avec ses bonheurs ingénus, ses voiles blancs de pre- mière communion, le village où l'on se prend à revenir rêver, dans les routes témoins de nos premiers éclats de rire et de nos premiers cha- grins, parmi les tombes ou sur les grèves, où nous avons pleuré les parents qui ne sont plus. Je ne m'étonne plus, ô voix de l'orgue, que saint Augustin ait pu dire que tu avais été la première à lui parler de conversion ; que Voltaire lui-même se soit avoué incapable de se soustraire à ton ascendant; que le sceptique Montaigne ait senti sa foi se réveiller au bercement de tes ac- cords; que l'incrédule Rousseau, t'écoutant dans une chapelle, soit tombé à genoux pour adorer et supplier le Seigneur de prendre pitié de ses malheurs!
L'INTÉRIEUR DE L'ÉGLISE VU DU SANCTUAIRE
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Non, je ne m'étonne pas, puisque tu parles tous les langages et fais écho à tous les senti- ments, puisque tu prêches et fais naître, en même temps, les sourires de l'espérance et cou- ler les larmes du repentir.
Larmes et sourires, ces deux mots ramènent dans ma mémoire un spectacle que vous avez plus d'une fois contemplé.
C'est le matin, un gai matin de printemps. Mai vient de finir, et juin s'étale, vert dans les champs, attiédi dans l'air, embaumé dans les parterres et blanc dans les pommiers.
Un orage a éclaté pendant la nuit, et l'at- mosphère lourde du soir est devenue lucide et fraîche. Pas un souffle dans l'air, pas un nuage dans la lumière rose du matin. La nature attend, émue, le soleil qui va paraître ... qui paraît. Ses premiers rayons, ainsi que des flèches d'or, per- cent les taillis, les branches d'arbre ruisselantes encore de l'orage, et font resplendir, comme des diamants, les gouttes de pluie qui y sont restées suspendues et tremblantes. Soudain passe un vent léger. Il secoue les branches, et les gouttes suspendues tombent. Et c'est l'orage encore
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