USA > Massachusetts > Bristol County > New Bedford > Saint-Antoine de New Bedford, Mass > Part 2
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On eut dit que cette église était un cauche- mar pour quelques uns, et qu'ils jouissaient de l'occasion de la faire disparaître. Mais le curé Deslauriers ne pensait pas comme eux. Fort de son droit, soutenu par ses paroissiens, il voulait s'en tenir à son contrat et n'en pas dévier d'un iota. Il parvint à se faire autoriser par ses syn- dics à forcer Houlihan à remplir ses obligations, c'est-à-dire à refaire les murs tombés et à termi-
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ner l'église. Houlihan refusa. La paroisse le mit alors de côté. Houlihan riposta, en prenant une action en dommage contre la Corporation de Saint-Antoine, pour rupture de contrat. Hou- lihan avait été payé pour tout l'ouvrage qu'il avait fait et qui n'était pas resté debout, et il réclamait une balance de $75,000.
La Corporation n'avait qu'à se défendre. Elle prit comme avocats M. J .- T. Kenney, de New Bedford, et M. James-E. Cotter, de Boston. Ce procès contre une Corporation catholique est certainement un des plus célèbres des annales judiciaires des États-Unis. Il a duré six ans. La cause était intentée devant la Cour supérieure de Boston. La preuve à faire devant être très longue, les avocats consentirent, avec l'appro- bation du juge, à faire leur plaidoyer devant M. C .- H. Cooper, autrefois avocat, mais alors et encore aujourd'hui simple greffier de cour. L'audition des témoins et des experts dura cinquante-deux jours. La preuve terminée, l'avocat Cotter dit au curé Deslauriers :- «Il y a trente-cinq ans que je pratique le droit à Bos- ton, et je n'ai jamais eu une cause aussi claire,
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aussi forte que la vôtre. Je ne vois pas un iota en leur faveur. » Or, imaginez que dans son juge- ment, M. Cooper ne trouve pas, lui, un i en faveur de la Corporation. M. Cotter, étonné, présente aussitôt cent cinquante objections aux affirmations de Cooper. A ces objections, celui-ci refusa de répondre.
En présence de cette attitude, l'avocat de la défense, présenta ce qu'on appelle en droit amé- ricain une «exception », afin que le rapport de l'auditeur fut l'objet d'une enquête devant un juge avant d'être soumis au jury, lequel devait rendre un verdict définitif sur les preuves réunies.
Quelques jours plus tard, le juge Lowell, siégeant à Boston, donnait gain de cause à l'avocat de Saint-Antoine, et Houlihan, quiavait déjà chanté victoire dans certains journaux à sa dévotion en était pour ses frais. La cause était enfin soumise au jury, au mois d'avril 1909, après de longues semaines d'attente angoissante.
Voici en quels termes, sous le titre: Victoire de Saint-Antoine, un journal de New Bedford racon- ta le résultat définitif de cette cause célèbre :
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«Aujourd'hui, la question est tranchée, l'af- faire terminée, et le procès jugé sans appel.
«Après des débats qui ont duré quatre se- «maines, le jury a décidé que les prétentions de « Houlihan n'étaient nullement fondées, c'est-à- «dire qu'il n'avait nullement droit aux $75,000 «qu'il réclamait; mais que la paroisse Saint-An- «toine doit payer au susdit entrepreneur une « somme de $4,000 pour les matériaux qui appar- «tenaient à Houlihan, et dont elle s'était em- «parée. Les frais du procès reviennent respec- « tivement aux deux parties en cause.
«En résumé, c'est une victoire brillante pour «Saint-Antoine et la journée d'hier vaut au «moins $40,000 aux paroissiens.
«Tous les oiseaux de mauvais augure, qui «ont tant croassé au sujet de cette affaire, «en sont quittes pour baisser aujourd'hui la «tête. C'est l'avocat Aza French qui condui- «sait la cause devant le jury. Sa plaidoirie a «été splendide. Pendant deux heures et demie, «le célèbre procureur des États-Unis a tenu le «jury sous la puissance de sa parole convain- «cue et convaincante. Les attaques contre
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« Houlihan ont été particulièrement vives.
« Il est compris et entendu que la décision est «finale et sans appel. Monsieur le Curé et ses « paroissiens peuvent donc se réjouir. Dès hier «soir, Sa Grandeur Mgr Feehan, évêque de Fall «River, informé du résultat du procès, envoyait «ses plus chaudes félicitations au vaillant curé «de Saint-Antoine, qui est en même temps son «conseiller. »
Le triomphe était donc aussi complet qu'on pouvait le désirer. Il était dû, sans doute, à l'intervention du saint protecteur de l'église et de la paroisse. Mais quel merveilleux instrument saint Antoine n'avait-il pas trouvé dans le curé qui agissait sous sa protection! Quel beau geste de courage tenace avait accompli M. Deslau- riers! Et combien étaient méritées les louanges que lui adressaient, le lendemain du jugement final, un journal protestant de langue anglaise.
Malgré l'heureuse issue de ce procès, il restait tout de même aux paroissiens de Saint-Antoine un lourd fardeau à porter. Aux États-unis, la loi veut,-si stupide que cela paraisse,-que dans tout procès au civil, celui-là même qui a
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gain de cause ait à payer ses avocats et les frais de la cause dans laquelle on l'a entraîné. C'est ainsi que la paroisse Saint-Antoine, pour dé- fendre ses droits, fut obligée de dépenser $26,000. L'avocat James-E. Cotter, seul, pour sa part, exigea $10,000. Imaginez ce qui arrive quand c'est un pauvre diable, qu'on a poursuivi injus- tement! Ou encore, si vous le voulez, imaginez un millionnaire, ou une riche compagnie à qui il prend envie de se venger d'un adversaire, qui a le tort d'avoir droit : on le traîne en cour; il a gain de cause et il est ruiné.
Saint-Antoine ne le fut pas heureusement, et son procès mit en lumière de belles qualités, de beaux dévouements chez les paroissiens, la, constante énergie du Curé, la sagacité de M. Destremps et autres experts, et la science des avocats de la défense.
Le Soubassement
Pendant que le procès se déroulait lentement à Boston, la population de la paroisse continuait à s'accroître. Il fallut songer à utiliser la crypte de l'église, et transformer l'ancienne chapelle en classes.
L'inauguration de ce «soubassement » eut lieu le 4 juillet 1908. Mgr Feehan en fit la béné- diction, puis y célébra la première messe. En dépit d'une chaleur suffocante, deux mille per- sonnes se pressaient dans la vaste crypte.
Après avoir souhaité la bienvenue à Mgr Feehan, monsieur le curé Deslauriers rappela les origines de la paroisse :
«Comme toutes les entreprises, chéries et bénies de Dieu, la nouvelle église a eu ses épreu- ves, lui dit-il, elle a été baptisée dans le sang de ses enfants. Au milieu de ces rudes épreuves, le courage n'a pas fait défaut aux fidèles ; le Ciel a béni nos efforts et nous voyons, aujourd'hui, en grande partie, notre église terminée. »
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«Continuez, répondit Sa Grandeur, dans une allocution éloquente et bien française, «à vous montrer dévoués à votre chère paroisse; restez unis à votre curé. Plus il y aura d'union entre lui et vous, plus vous accomplirez de grandes choses. Bien que votre paroisse soit jeune enco- re, vous avez fait merveille ! »
Chauffage et Éclairage
Les appareils de chauffage et d'éclairage de Saint-Antoine sont installés dans un bâtiment séparé, à une centaine de pieds de l'église. Des conduits souterrains distribuent la chaleur dans les institutions paroissiales : le presbytère et le couvent sont chauffés à l'eau chaude; l'école à la vapeur et l'église par l'une et l'autre. Il n'y a qu'un seul foyer. La dépense de charbon n'est pas plus grande aujourd'hui qu'elle ne l'était avant de chauffer la grande église. Sans compter que l'isolement des bouilloires, dans un édi- fice séparé, a considérablement diminué le taux des assurances. C'est une notable économie.
Dans le même bâtiment se trouvent les appa- reils d'éclairage. Le système en est merveilleux. Des accumulateurs fournissent la lumière à l'église, au presbytère, à l'école, et au couvent. En été, ces accumulateurs sont chargés par un moteur à gazoline .- Vingt à vingt-cinq sous de gazoline par jour suffisent à l'actionner. En
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hiver, lorsque les bouilloires distribuent la cha- leur dans les différentes bâtisses, ces accumu- lateurs sont chargés par un moteur actionné par l'excès de vapeur qui s'échappe de l'appareil de chauffage, et qui serait perdu sans cet usage utile. Le moteur ne coûte donc plus alors un sou.
Quand on veut faire l'illumination complète de l'église on se sert d'un moteur plus puissant, mis en mouvement par les mêmes bouilloires, et qui fournit au-delà de cinq mille lampes élec- triques. Grâce à cette installation, la paroisse se trouve à l'abri des exigences de la compagnie électrique de la ville, qui demandait $1,200 par année, pour l'éclairage de l'église seulement. Ces appareils ont été vendus par M. Manny, de Montréal et posés par lui, avec l'aide de M. Jean Perra et de MM. Gatenby et Swift, de New Bed- ford.
L'École
Après l'inauguration du soubassement, la chapelle fut rapidement transformée en école. Quatorze grandes classes bien éclairées, bien ventilées, et, en tout point, conformes aux rè- glements si sévères du Massachusetts, recevaient au mois de septembre de la même année, 950 enfants.
Ces enfants sont sous la direction des religieu- ses de Sainte-Croix, de Saint-Laurent.
Grâce au zèle et au dévouement de ces reli- gieuses, grâce à leur méthode admirable d'en- seignement, nous pouvons dire sans crainte que ces écoles n'ont rien à envier aux écoles publi- ques. Elles n'en ont ni la richesse extérieure, ni les prétentions, ni la réclame; mais l'instruction morale et religieuse, l'enseignement de l'anglais et du français, des matières élémentaires et com- merciales, forcent les protestants eux-mêmes, à en admettre la supériorité.
Les deux dernières Années
A peine le procès-Houlihan terminé, M. Des- lauriers songea à réaliser le rêve de sa vie: la dédicace du temple magnifique de Saint-Antoine.
Au cours de ses épreuves, il avait reçu de son évêque, Mgr Feehan, le plus cordial encourage- ment. Ce dernier l'avait nommé son conseiller, et lui avait montré à maintes reprises que les tribulations, dont il le voyait abreuvé, ne fai- saient que lui concilier davantage sa sympathie et sa paternelle amitié.
Sa Grandeur encouragea le Curé à reprendre les travaux, qui n'avaient pas été du reste com- plètement interrompus, et à mener à bonne fin sa religieuse entreprise.
Les ouvriers se mirent à l'œuvre sous l'habile direction de M. M. Sullivan, le nouvel entrepre- neur, et bientôt l'on vit se dessiner à travers les échafaudages les lignes gracieuses du nouveau temple.
Deux des hommes qui travaillèrent au para-
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chèvement de l'église méritent une mention spéciale: l'un est un menuisier, M. Landry ; l'autre un artiste-sculpteur, M. Castagnoli. L'un traça la pureté des lignes architecturales, l'autre moula les décors et peupla de ses fines conceptions l'intérieur de cet édifice, - un des mieux décorés d'Amérique.
C'est alors que les vicaires et le curé orga- nisèrent un grand bazar, pour aider à payer les frais des derniers travaux. Ce fut un énorme succès : $12,000 recueillis, presque exclusivement chez les paroissiens de Saint-Antoine.
Enfin, les décorations furent achevées. Les marbres furent polis, le chemin de la croix, avec ses reliefs merveilleux, fut posé, le fameux groupe de la vision de saint Antoine, qui surmonte le maître-autel, dans une chapelle spéciale, sortit de l'atelier de Castagnoli. Ce groupe, exécuté d'après le dessin de Castagnoli lui-même, est une œuvre colossale qui offrait dans l'exécution les plus grandes difficultés. L'artiste y a mis toute son âme,
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y a déployé tout son remarquable talent.
Il s'agissait de fixer dans un cadre de 65 pieds de hauteur, sur un fond en demi rotonde, la vision du grand thaumaturge de Padoue, contemplant l'enfant Jésus entouré d'un vol d'anges. Le sculpteur italien y a admirablement réussi.
Le plâtre n'offre pas les ressources du marbre et du bronze; et pourtant l'artiste a su donner de la grâce et une expression exquise à ses per- sonnages. Il les a groupés de manière à assurer l'unité et l'harmonie de la composition.
A la beauté de ce groupe, s'ajoute celle des autels aux retables somptueux, des frises du chœur, des chapiteaux si merveilleusement fouillés, et surtout de la chaire, dont les bas- reliefs sont toute une prédication.
En contemplant ces merveilles artistiques, on se croirait en pleine Italie, dans le monde des arts, du rêve et de l'extase.
L'église de Saint-Antoine, a joui, comme celle de Notre-Dame-de-Lourdes, de Fall River, de cette bonne fortune, de n'avoir pas eu seulement des ouvriers menuisiers ou maçons pour sa cons-
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truction; l'art y a guidé la main d'œuvre. Elle portera désormais l'empreinte du génie artisti- que.
Entre temps, la paroisse Saint-Antoine sui- vait une marche ascendante. La population, qui était de 2,000 familles en septembre 1909, s'élevait à 2,250, six mois plus tard. Cet accrois- sement extraordinaire rendit nécessaire la créa- tion d'une nouvelle paroisse, dans la partie nord. Saint-Joseph fut fondée en août 1910, et enleva 400 familles à Saint-Antoine.
Les recettes n'en furent pas cependant beau- coup diminuées, ainsi qu'on peut le constater par le rapport financier que le curé présenta à ses paroissiens et à son évêque: $56,000 de revenus en 1910,-$48,000, en 1911.
La Visite de Mgr Heylen
Saint-Antoine eut des moments plus joyeux que ceux que nous venons de raconter. Elle eut des fêtes splendides, des visites qui lui font hon- neur et de magnifiques réceptions.
A la suite du congrès eucharistique de Mont- réal, la paroisse eut le bonheur de recevoir Mgr Heylen, évêque de Namur en Belgique, et pré- sident du Comité permanent des Congrès eucha- ristiques.
Une rencontre aussi charmante qu'imprévue, de Sa Grandeur et du Curé de New Bedford, valut à Saint-Antoine le privilège de recevoir l'éminent prélat. La fête fut organisée à la hâte : les paroissiens n'ayant été avertis que quelques jours à l'avance. Les différentes sociétés cana- diennes de la ville furent convoquées le diman- che soir, 25 septembre 1910. Des milliers de cartes d'invitation furent distribuées. L'église, le presbytère, l'école et un grand nombre de maisons furent décorés. Les drapeaux cla-
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quaient au vent, les foules joyeuses encombraient les rues, tout palpitait de gaîté, quand, le di- manche matin, 25 septembre, Mgr Heylen, ve- nant de New York par Fall River, fit son entrée à New Bedford. Tout ce peuple était heureux de saluer le grand apôtre de l'Eucharistie. On connaissait déjà ses éminentes qualités, sa science et sa modestie; on vénérait les vertus du prélat.
Mgr Heylen assista à la messe de dix heures et demie. Dans une délicate adresse, le Curé lui souhaita la bienvenue. « Je n'ai pas besoin, dit-il, s'adressant à ses paroissiens, de vous présenter l'évêque de Namur, Mgr Heylen. Son nom, qui fut associé au grand Congrès eu- charistique de Montréal, est sur vos lèvres, de- puis que vous avez appris l'heureuse nouvelle de sa visite à New Bedford. Quand vous aurez entendu sa parole, vous garderez, j'en suis sûr, au plus profond de vos cœurs, le souvenir de cet apôtre de l'eucharistie. »
Puis, après avoir remercié l'illustre prélat de l'insigne honneur fait à sa paroisse, le pasteur rappela un bout d'histoire de Saint-Antoine.
R. M. H. DESLAURIERS Curé de St-Antoine
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« Nous avons, dit-il, des actions de grâces à rendre à Dieu. La piété règne chez nous et la foi est agissante.
« Cette église si vaste, se remplit cinq fois le dimanche de pieux fidèles; la communion fré- quente y est en honneur. S'il y a négligence pendant l'année, s'il en est un certain nombre qui s'éloigne du banquet sacré, le temps des pâques les voit tous accourir, et nous avons alors l'émouvant spectacle de milliers d'hommes et de jeunes gens, qui, en rangs pressés, vien- nent recevoir le Dieu de l'Eucharistie.
«Il y a ici, comme partout ailleurs, l'ivraie et le bon grain, mais dans ce champ fertile où le Père de famille nous a mis à la tête de ses ouvriers, le bon froment l'emporte tellement sur les mauvaises herbes, que ces dernières n'y sont guère visibles.
« Monseigneur, malgré nos fautes, en dépit de la fragilité qui nous est commune avec l'hu- manité tout entière, notre population canadienne de New Bedford est prête, je crois, pour le grand réveil eucharistique qui se produit actuellement dans le monde, sous la puissante impulsion du glorieux Pontife qui gouverne l'Église.
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« Déjà nous avons ici quelques centaines de personnes pieuses qui font chaque semaine, sous la direction de l'un de nos prêtres, l'heure sainte de l'adoration du très saint Sacrement. La communion quotidienne fait aussi chez nous de rapides progrès. Quand les enfants auront béné- ficié du pain des forts, selon le décret du Pape, et que le Dieu de pureté aura prévenu la flétris- sure du péché dans ces jeunes âmes, nul doute que ma paroisse bien-aimée, comme ses sœurs les autres congrégations franco-américaines, sera un jardin délicieux où l'Époux divin des âmes pourra faire une ample moisson pour le ciel. »
Mgr Heylen répondit à peu près en ces ter- mes :- «Il m'est impossible d'exprimer les sen- timents que ressent mon cœur. Votre piété m'émeut et j'en rends grâce à votre curé. Vous ne me connaissiez pas, et pourtant vous me re- cevez chez vous comme les vrais catholiques savent recevoir leurs pasteurs. Vous me recevez comme un envoyé de Dieu. Mon cœur est rem- pli d'allégresse. Lors des fêtes du Congrès eu- charistique de Montréal, j'ai pu juger de la piété qui anime les cœurs des catholiques du Canada,
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Je m'aperçois aujourd'hui que notre sainte mère l'Église compte aussi de nombreux, de fervents et de dévoués fidèles aux États-unis. »
L'illustre président du Congrès eucharis- tique parla ensuite en termes chaleureux du grand Sacrement dont il est l'apôtre infatigable, complimenta le pasteur et les ouailles de la pa- roisse Saint-Antoine, qui ont su élever un temple digne de figurer parmi les plus beaux monu- ments religieux des siècles de foi, et termina par une chaleureuse exhortation à la persévérance.
La manifestation, qui eut lieu le soir du même jour, fut plus imposante encore et plus signifi- cative. Les associations canadiennes nationales et religieuses, défilèrent, fanfare en tête, au milieu d'une foule compacte, dans les rues du nord de la ville .- Près de 7,000 personnes trouvèrent place dans l'église Saint-Antoine toute resplendissante de ses cinq mille lampes électriques.
Le maire et les conseillers de New-Bedford, le député au Congrès, le vicaire général du dio- cèse et un grand nombre de prêtres faisaient escorte à Monseigneur de Namur, quand il entra dans le sanctuaire.
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Monsieur le curé, du haut d'une tribune dressée pour l'occasion, lui lut un discours de bienvenue, que nous croyons devoir reproduire à peu près intégralement, car il met au point certaines questions de haute importance et encore d'actualité.
MONSEIGNEUR,
«Après les grandioses solennités religieuses de Montréal, la manifestation de ce soir vous semblera peut-être bien modeste.
« Il nous manque, en effet, le féerique décor de la métropole canadienne, la foi exubérante de tout un peuple, des milliers de prêtres, des pré- lats accourus des deux mondes, et surtout, le re- présentant du Pape, pour donner à Votre Gran- deur les douces émotions qu'elle a éprouvées là- bas, en présidant le 21e congrès eucharistique.
«Toutefois, malgré ce qui nous fait défaut, en dépit des conditions qui ne sont plus les mêmes, nous allons nous efforcer de vous mon- trer, Monseigneur, que, sur cette libre terre d'Amérique les cœurs franco-américains battent à l'unisson de ceux du Canada.
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«Nous ferons plus : nous tâcherons de vous faire toucher du doigt la place honorable que nos compatriotes ont su conquérir dans leur pays d'adoption et les services signalés qu'ils ont rendus à l'Église dans cette terre bénie du Nou- veau-Monde.
«La religion chrétienne, Monseigneur, ne fait acception de personne. Comme son divin fondateur, elle s'adresse à toutes les âmes de bonne volonté. Néanmoins, comme le froment ou la vigne, elle croît de préférence dans cer- taines régions qui lui sont plus propices. Les peuples qui ont recueilli la bonne semence de l'Évangile, l'ont conservée précieusement et même propagée à travers le monde, nous les connaissons; ils sont la gloire de l'Église et d'une certaine façon, ses appuis.
«L'humble pays qui est le nôtre, le Canada français, n'a pu jusqu'ici rivaliser, par le nombre et l'influence, avec les contrées catholiques de la vieille Europe. C'est un rameau de la France transplantée en Amérique qui, malgré sa crois- sance rapide, n'est encore qu'un arbrisseau. Toutefois, si courte que soit son histoire, il a
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déjà inscrit des pages glorieuses dans les annales de l'Église, ses missionnaires ont parcouru en tous sens ce continent alors qu'il était encore plongé dans la barbarie; ses martyrs ont fécondé de leur sang son sol vierge, et il n'y a guère de diocèse, même aux États-unis, qui n'ait béné- ficié de ses labeurs apostoliques.
«Ce pays offre de plus au monde moderne cette remarquable particularité, unique peut- être dans l'histoire : celle d'un groupe ethnique séparé presque à son origine de sa mère patrie, et qui, en dépit de bien des luttes contre de puissants oppresseurs, n'a pu être entamé, du- rant une existence trois fois séculaire, ni dans sa nationalité, ni dans sa foi.
«A l'heure présente, en cette année 1910, s'il venait à la France la fantaisie de s'enquérir sur le sort des soixante mille colons, cédés par elle à l'Angleterre, en 1763, ou, si encore l'Église notre mère, manifestant le désir de savoir ce que sont devenues les ouailles de l'illustre Laval, au cri de la France, à l'appel de l'Église, nous pour- rions nous lever, 3,500,000, tant au Canada qu'aux États-unis, et répondre comme un seul
L'INTÉRIEUR DE L'ÉGLISE VU DE LA NEF
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homme: NOUS VOICI. Nos pères ont disparu, mais nous avons recueilli leur pieux héritage et, sur ce sol d'Amérique, nous continuons leurs traditions catholiques et françaises.
« Parcourez, si vous le voulez, Monseigneur, le Dominion tout entier, et cet autre pays qui donne l'hospitalité à près de la moitié des nôtres ; sur les bords du St-Laurent, dans l'Ontario, la Nouvelle-Angleterre, aussi bien que dans les plaines de l'Ouest, partout enfin où sont dissé- minés les Canadiens-français, vous les trouverez fidèles à la foi de leurs pères. Les seules défec- tions constatées jusqu'ici ont suivi d'ordinaire ce que nous appelons l'apostasie nationale. Le Canadien qui oublie sa langue maternelle et rougit de son origine, va généralement grossir -les statistiques en font foi-le nombre des indifférents ou des sectateurs du dieu dollar.
«L'influence des traditions nationales sur nos compatriotes du Canada ou des États-Unis est tellement favorable à la conservation de leur foi que, pour apostasier l'une, il leur faut renier les autres.
«Grâce à Dieu, Monseigneur, ces trahisons
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que nous sommes en droit de combattre sont rares. Ce sont de regrettables exceptions qui confirment la thèse générale.
« Mais, direz-vous, qu'elles sont les causes qui, avec la grâce de Dieu, ont contribué à maintenir dans une aussi harmonieuse unité de sentiments et de croyances, vos compatriotes si malheureusement dispersés ?
«Nos moyens d'action, Monseigneur, au point de vue religieux, sont la paroisse et l'école nationales,-au point de vue social, les associa- tions et la presse.
«En aucun autre pays, peut-être, la paroisse n'a joué un rôle plus efficace et plus bienfaisant qu'au Canada. Elle fut, sur les bords du St-Lau- rent, le berceau de notre nationalité, le foyer toujours ardent de notre foi, et notre meilleure sauvegarde au jour de l'épreuve.
«C'est elle qui a groupé les nôtres dans cet immense pays, et les a empêchés de tomber dans l'indifférence ou l'hérésie. L'efficacité de son action parmi les franco-américains est tellement évidente, Monseigneur, ses résultats si palpables, que partout où l'on est parvenu à ériger, pour
VISION DE SAINT ANTOINE
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nos compatriotes, des paroisses nationales aux États-Unis, partout nous avons le spectacle que vous pouvez contempler ce soir : une réunion de frères qui remplissent les églises au jour du di- manche, qui assiègent les confessionnaux toutes les semaines de l'année et viennent, presque sans exception, s'asseoir à la table sainte au temps pascal.
« Par contre, les défections, dont je parlais il y a un instant, se produisent précisément dans les endroits ou les nôtres n'ont pu réussir jus- qu'ici à obtenir leurs paroisses et leurs écoles.
« En dehors de l'organisation paroissiale et de l'école confessionnelle, qui en est l'annexe indispensable, nous avons des auxiliaires puis- sants dans nos sociétés catholiques. Qu'elles soient nationales ou simplement locales elles ne manquent jamais de nous seconder dans nos œuvres, et de travailler d'un commun accord à promouvoir les grands intérêts sociaux et reli- gieux de notre élément aux États-unis. Ces sociétés, dans bien des cas, ont précédé, tout en la préparant, l'action du prêtre dans nos centres canadiens.
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« A la tête de ces associations, Monseigneur, marche l'Union St-Jean-Baptiste d'Amérique, dont le conseil suprême est largement repré- senté ici ce soir.
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